Il y a quelques jours, j'ai eu la joie de vous faire part dans les actualités de la démarche du Père Henri Augustin qui allie avec bonheur méditation bouddhique et lecture et étude des Ecritures, les Evangiles en l'occurrence. Une démarche beaucoup trop rare à mon goût du côté de l'église catholique. Ma joie fut de courte durée car deux jours plus tard, je suis tombé par hasard sur une de ces pages écrites manifestement par une personne de confession catholique, et qui jette l'anathème sur le Yoga.
C'est cette page, sur laquelle j'ai posté un commentaire dont je doute fort qu'il soit jamais validé par le modérateur, qui motive présent billet. Mon but n'est pas d'attaquer en particulier l'auteur d'un texte qui n'est ni plus ni moins, en substance, que l'exacte réplique de centaines de pages du même acabit disséminées partout sur le web, ou répétées par nombre des représentants de l'Eglise. Mon but est d'essayer de montrer que ceux qui jettent ainsi l'anathème sur le Yoga sont bien peu réfléchis et ne savent tout simplement pas de quoi ils parlent. Parler ainsi avec autorité et sans savoir, ne peut que priver des chercheurs sincères de l'accès à la spiritualité, et c'est bien regrettable, car c'est une façon de mettre la lumière sous le boisseau.
La page en question, essentiellement constituée de citations, nous dit, en résumé:
"Il ne sait pas encore [celui qui se lance dans le yoga] que ces exercices s'accompagnent d'une technique, dont l'un des mouvements - le vide intérieur, le silence total, la passivité voulue, consentie jusqu'à l'inconscient - prépare le sujet à l'accueil des énergies d'En-Haut, appelées à disposer d'autant plus librement de lui qu'il se sera davantage abandonné à leur pouvoir[...] il se voit mis au bénéfice de facultés nouvelles comprenant la télépathie, la clairvoyance, la divination, et tous les pouvoirs d'un état de vie transcendant indispensable aux actions occultes" [...] "Il ignore que ces pratiques-là - comme toutes les pratiques de l'occultisme - ouvrent son être tout entier à ce que la Bible appelle, elle aussi, des pouvoirs, des puissances, mais qu'elle révèle être, en vérité, des puissances de possession démoniaque." [...] "et il découvrira qu'on ne se meut pas impunément dans le monde des Forces spirituelles." [...] " Il n'y a nulle place pour le yoga dans la vie d'un chrétien. Car on ne peut pas plus être disciple du Christ et en même temps des yogins qu'on ne peut servir Dieu et Mammon."
Et pour finir en beauté: "Yoga signifie littéralement "se mettre au joug"."Paul écrivait aux Galates (5.1)" : "C'est pour la liberté que le Christ nous a affranchis. Demeurez donc fermes, et ne vous laissez pas mettre de nouveau sous le joug de la servitude."
Bigre... Voilà que les "yogins" sont voués aux puissances démoniaques, rien que cela... Entre parenthèses, l'auteur, qui ne connait rien au sujet écrit les "yogins" alors qu'il devrait savoir que l'on dit un yogi, une yogini et des yogin. Fermons la parenthèse et essayons de rétablir un peu de bon sens et de vérité dans tout cela, de remettre les choses à leur place, bref de trier un peu le bon grain de l'ivraie :-)
C'est un peu facile de citer des petits bouts d'Ecritures, disparates, pris ici et là, et de s'appuyer dessus pour leur faire dire ce que l'on veut. Pourtant dans les Ecritures favorites de l'auteur de cette page, à savoir les Evangiles, on trouve ni plus ni moins que le contraire de toute cette argumentation.
Ainsi d'après lui "les pouvoirs transcendants" sont à rejeter et décrits comme maléfiques. Pourtant on lit dans Matthieu 17:20: "Je vous le dit en vérité, si vous aviez de la foi comme un grain de sénevé, vous diriez à cette montagne : Transporte-toi d'ici à là, et elle se transporterait ; rien ne vous paraitrait impossible", ou encore dans Jean 14:12: "En vérité je vous le dis, celui qui croit en moi fera aussi les œuvres que je fais et il en fera de plus grandes". Il est donc clair que le fait que l'homme puisse être investi de pouvoir miraculeux n'a non seulement rien de démoniaque, mais que c'est annoncé, et même préconisé par Jésus. Est-ce étonnant ? Pas du tout. On le sait bien avant le Nouveau Testament. Au début de la Genèse, premier livre de la Bible, on lit (1:27, traduction Chouraqui) "Elohïm crée le glébeux (l'homme) à sa réplique, à la réplique d'Elohîm, il le crée, mâle et femelle il les crée". Ce que l'on résume en général par "Dieu a créé l'homme à son image"
La création, voici un miracle divin s'il en est... mais si Dieu a créé l'homme à son image il y a Dieu en l'homme et donc en l'homme réside la possibilité d'accomplir des miracles. Dieu est plutôt discret par nature, on ne le rencontre pas souvent au détour d'un coin de rue, le seul endroit où l'on puisse le rencontrer c'est là où il s'est placé lui-même, c'est-à-dire en cet homme créé à son image, et trouver Dieu en soi est justement le propos du Yoga.
Yoga ne signifie pas "se mettre au joug". Il faudrait être bien stupide pour se lancer dans cette entreprise douteuse, et c'est bien insultant que de sous-entendre ainsi que les yogin foncent tête baissée dans un asservissement dont ils ont pourtant été prévenus. Devant l'insulte, adoptons une attitude biblique et tendons l'autre joug, c'est à dire donnons la vrai signification du mot Yoga. Comme la plupart des mots sanscrits, ce terme est très riche de sens.
Le mot Yoga vient de la racine sanscrite Yukta, qui veut dire union. Union à quoi, avec quoi ? Dans le Yoga il s'agit de l'union à la conscience supérieure de Krishna, ou conscience Christique, ou divine, en soi. (Khrisna et Christ sont une seule et même chose mais c'est un sujet qui mériterait un billet à lui tout seul). Donc pour résumer, il s'agit bien de trouver en soi Dieu par Christ, comme dit dans les Evangiles (Jean 14:6) "Je suis le chemin, la vérité, et la vie. Nul ne vient au Père que par moi". Telle est l'union recherchée, union qui lorsqu'elle est obtenue apporte une croyance et une foi absolues et qui explique la parole de Jésus " celui qui croit en moi fera aussi les œuvres que je fais et il en fera de plus grandes". Comme vous l'avez compris, cette union n'a rien à voir, bien au contraire, avec cet état d'inconscience évoqué plus haut et les yogin ne sont pas forcément des abrutis.
Le mot Yoga, par sa racine Yukta signifie également joug, c'est tout à fait vrai, mais encore faut-il le comprendre correctement. Le joug en question sert à mettre des bœufs sous le joug et non l'homme sous le joug. Les bœufs symbolisent plusieurs choses. Pour faire simple disons que cela symbolise la nature animale de l'homme qui, pour que le divin puisse être atteint, doit sans doute être mise sous le joug, en effet. Les bœufs symbolisent encore les courants d'énergie vitale qui circulent de part et d'autre de la colonne vertébrale (Ida et Pingala) et qui sont liés au souffle passant par les narines. Ici nous avons la même signification que le bœuf et l'âne de la crèche, ce qui est encore un sujet à part entière que j'essaierai de trouver le temps de traiter avant Noël prochain :-) Le Yoga enseigne que le déséquilibre permanent de ces deux courants d'énergie voile le divin en soi et empêche d'y accéder. Donc la pratique du Yoga, car le yoga n'est pas autre chose, a pour but d'établir un équilibre entre ces deux courants qui alors s'unissent (encore le concept d'union) ce qui provoque la disparition du souffle physique, et permet l'accès à la conscience supérieure en l'homme. Voilà pourquoi il est dit dans les Yoga Sutra (2:52) "Tatah ksîyate prakâshâvaranam" c'est-à-dire: "par là (le travail du souffle) ce qui couvre la lumière (divine) disparait". Et celui qui atteint ce but devient un affranchi par le Christ, et n'est certainement pas tombé dans un état de servitude.
Nous voyons donc que non seulement il y a une grande place pour le yoga dans la vie d'un chrétien, mais que le yoga correctement pratiqué ne peut que renforcer le chrétien dans sa foi. Quand j'étais môme, ce que l'on m'inculquait au catéchisme me semblait ridicule, hors tout bon sens, et ça l'était ! Du coup j'ai rejeté la Bible en bloc pendant bien longtemps. Et ce n'est que la pratique du Yoga qui m'a permis de comprendre mieux les Ecritures chrétiennes et d'en apprécier la grandeur.
Sri Sriyukteswar (1855 - 1936), immense yogi indien, écrivait en introduction de son ouvrage La Science Sacrée, "qu'il n'y a pas désaccord et encore moins contradiction entre les enseignements d'Orient et d'Occident". De leur côté, des saints occidentaux reconnus comme Saint Jean de la Croix ou Sainte Thérèse d'Avila décrivent en des termes similaires à ceux des yogin l'extase, l'union divine, qu'ils ont connu à travers leur pratiques d'oraison.
Alors, pour conclure ce billet, souhaitons que des démarches intelligentes comme celle du Père Henri Augustin se multiplient, que le fond spirituel commun de toutes les traditions soit retrouvé et que les chercheurs sincères s'en nourrissent. Et que les opinions incompétentes, obscures, et, j'ose le mot, franchement sectaires, disparaissent.
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