Que vous souhaiter pour la nouvelle année ? Simplement de la confiance.
Puissiez-vous la redécouvrir et la laisser vous habiter
Et si la pratique de la méditation était d’abord une expérience de pleine confiance ?
La chose saute aux yeux quand l’on constate que le manque de confiance régit nos existences et nous laisse coupés de nous, coupés de la vie. Séparés. Isolés. Nous n’osons pas. Nous sommes comme mutilés.
Hors de la confiance, rien ne nous est habitable
Le phénomène est frappant : hors de la confiance, rien ne nous est habitable. Tout ce que nous pensons, sentons, faisons, nous laisse un goût douloureux. Je voulais faire ce geste, dire cette parole et par manque de confiance, je n’ose pas. Ou encore je le fais à moitié ou de travers. Je me sépare de ce qui est. Je ne coïncide plus avec ma propre existence ni avec la réalité.
Je me regarde faire et je perds aussitôt pied — semblable à celui à qui l’on demande comment fait-il pour nager ou faire du vélo et qui y réfléchissant n’arrive plus à faire des gestes qui venaient à lui naturellement.
La confiance la plus simple est toujours primordiale
Mais si la confiance est aussi essentielle, il est très rare d’en parler. Et du reste, chaque fois que je cherche à en dire quelque chose, elle m’échappe.
Je vois à cela plusieurs raisons, dont la plus évidente est que nous ne savons pas vraiment la penser. Nous comprenons la notion d’estime de soi, d’optimisme, de bonté ou de gentillesse, mais la confiance est d’un tout autre ordre.
Ni « confiance en soi », ni « confiance dans les autres », elle est par nature primordiale !
Si bien que ceux qui l’éprouvent ne la reconnaissent pas, tandis que ceux qui en manquent au point d’en être meurtris ne discernent pas que là est la source véritable de leur difficulté. Pourtant l’angoisse, le désespoir ou encore le doute, viennent de son absence.
Cette distinction entre « confiance en soi » et confiance primordiale n’est pas aisé. Partout, il est fait état de la nécessité de retrouver confiance en soi. Mais cette notion est en réalité confuse et par là fausse.
Un être qui a confiance, n’a nullement confiance en « lui-même » ; il a confiance en la vie, en ce qui est, en ce qui l’appelle. C’est tout à fait différent. « Lui-même » lui importe peu.
En ce sens, avoir confiance est une attitude aussi éloignée de l’arrogance et de l’orgueil que d’une dépréciation de soi-même. Ces deux attitudes sont les deux antipodes de la véritable confiance où il s’agit simplement d’être pleinement là, sans histoire.
Prenons l’exemple de Matisse dont l’œuvre et la vie sont sur ce point exemplaires. Matisse n’a pas confiance en lui, mais en ce qui, dans la peinture, le conduit. Autrement dit, le fait d’avoir confiance ne le met nullement à l’abri du risque d’entrer dans l’inconnu mais, au contraire, le lui permet.
! J’ai mis longtemps à voir ce phénomène tant il est déconcertant : mais avoir confiance, c’est être moins préoccupé par soi-même, et nullement avoir réussi à s’affirmer. Ou pour le dire autrement, même le simple fait de pouvoir s’affirmer dans une réunion par exemple, vient d’un rapport à la confiance primordiale, à une manière d’être posé dans son être.
A quoi peut-on faire confiance ?
Cette radicalité de la confiance explique que les approches psychologiques ou sociales, si elles peuvent nous éclairer sur certains aspects de l’expérience du manque de confiance, ou sur les phénomènes qui la suscitent, ne savent pas aller suffisamment au cœur du problème pour nous éclairer réellement. Notre manque de confiance ne vient pas d’abord d’un problème lié à notre éducation où à notre environnement social, mais au fait que nous soyons des êtres humains.
C’est en revenant au cœur de notre propre humanité, et seulement par là, que nous toucherons la confiance.
Et c’est pourquoi la pratique de la méditation pourrait jouer ici un rôle très important — car elle est d’abord ce geste aussi simple que décisif, nous permettant de simplement être.
Pour approcher le problème autrement demandons nous : à quoi peut-on faire confiance ?
La réponse est ici absolument déconcertante.
Car, en réalité, on ne peut pas faire confiance à quelque chose. Je peux bien sûr faire confiance à cet ami, à cette situation, à ce métier… Mais il y a toujours des déceptions possibles, des trahisons. Il y aura toujours des crises, des moments d’effroi, la déception, voire la haine et la violence.
De ce fait, deux vérités s’imposent.
Faire confiance à la vie, sans aucune garantie
La première est qu’on ne peut faire pleinement confiance qu’à la vie même, au silence et à la présence. À ce qui ne se saisit pas et ne se comprend pas. À ce qui est là, sans raison. Car la confiance est sans pourquoi.
En conséquence, tout discours qui cherche à nous convaincre que nous pourrions avoir confiance est en réalité très insuffisant et même trompeur.
Plus on cherche à nous convaincre d’avoir raison, plus notre soif d’une certitude indiscutable s’enfle.
Nous sommes alors comme K, le personnage central du roman de Kafka qui dans Le Procès, en cherchant désespérément la certitude de son innocence, s’engage dans un combat qui ne pourra jamais le rassurer et le mènera à la mort.
La volonté d’être rassuré ne fait que nous priver de toute confiance.
La deuxième vérité est que toute confiance repose sur l’acceptation d’un état de fragilité qui est le socle même de la nature humaine. C’est l’incroyable paradoxe de la confiance : elle grandit et s’affirme si j’accepte que rien ne pourra jamais me la garantir, si j’admets la vulnérabilité de mon existence, la fragilité du monde.
Notre société voudrait éradiquer la fragilité et l’incertitude. On évoque souvent les conceptions scientifiques qui mettent en lumière les principes d’incertitude, mais dans la réalité, nos sociétés refusent toute incertitude. Elles prétendent tout contrôler, tout mettre en équation. La maladie est un accident. La mort un non-événement. L’amour n’est pas appris. La raison est caricaturée à des algorithmes économiques et financiers et des tableaux Excel.
Confiance et méditation
La question de la confiance ne cesse de me hanter depuis des années, tant je vois que son absence, aussi bien au niveau individuel que social, fait tant souffrir. Cette absence empêche tout simplement d’être vivant — ouvert à soi, aux autres et au monde.
Or la pratique de la méditation est d’abord l’expérience de la confiance. Méditer nous donne la clef qui ouvre la porte de la confiance.
Mais étrangement, ce n’est pas ainsi que les gens le vivent.
Je vois tant de personnes s’engager dans la pratique de la présence attentive (Mindfulness) et en être déçus. Réduite à une sorte de gymnastique mentale, la méditation finit par les lasser ou leur sembler peu efficace.
Regarder ses pensées, les laisser passer, revenir au moment présent. Tout cela est beaucoup trop étroit et pauvre — fastidieux.
En réalité, la méditation est un acte radical qui déplace tout et change entièrement le champ du réel. D’abord et avant tout parce qu’elle nous pose dans la confiance, sans condition, sans explication. C’est là sans doute, l’aspect le plus bénéfique.
Elle nous reconduit à un sens de présence vivant, alerte et rassurant.
Aujourd’hui, je transmets de plus en plus souvent les aspects de la pratique qui sont liés à la confiance, en revenant à cette racine trop souvent oubliée de la pratique.
Ce qui surprend ici est que la méditation ne nous donne pas de la confiance, comme elle pourrait nous donner de la joie, du courage, de la tendresse. La confiance est à la racine de tout cela, elle est le sol trop souvent oublié et pourtant si bienfaisant de la pratique de la méditation. Méditer, c’est se libérer de la peur et de l’angoisse, entrer dans la vie.
Fabrice Midal Ecole Occidentale de Méditation