Faire connaissance avec nos émotions
Nous sommes parfois tristes, parfois en colère, ou encore émus ou irrités par tout ce qui se passe. Cela ne nous plaît pas. Nous aimerions bien dominer nos émotions, en faire ce que nous voulons.
Il n’est pas possible de vivre pleinement avec une telle attitude fondée sur la peur des émotions. Essayons au contraire d’entrer en rapport avec elles. Notre état d’être est un peu comme la météo. Il change. Parfois il fait beau temps, parfois nous sommes envahis par des nuages sombres, parfois c’est la pluie. Quand nous pratiquons, nous en faisons plus directement l’épreuve. Il n’y a là rien d’inquiétant.
La méditation ne vise pas à nous apprendre
à nous défaire de nos émotions,
mais à leur témoigner une plus grande attention.
Quand nous sommes pris par une émotion intense, il ne s’agit nullement d’essayer, grâce à la pratique, de nous en débarrasser. Souvent, j’ai entendu expliquer que, si l’on était pris par une forte émotion, il fallait se recentrer sur la respiration pour qu’elle disparaisse. C’est une erreur. La méditation ne consiste en rien à refuser une expérience parce qu’elle ne nous plaît pas, mais à placer tout ce qui survient dans la lumière de l’attention.
Réprimer ce qui nous arrive n’est pas une bonne approche.
Observez la qualité de l’émotion, sa manière d’irradier
votre être tout entier, découvrez comment elle teinte
votre manière même de voir le monde, et vous découvrirez,
comment faire de vos émotions non des ennemies
qu’il faut craindre mais des amies qui vous parlent.
Il est devenu courant de dire qu’il nous faut apprendre à « gérer » nos émotions. Quelle manière peu amène de parler de soi ! Les émotions sont comme des mondes colorés, plein de vie et ayant chacune son rythme propre. Il nous faut apprendre à les écouter.
En méditant, nous allons découvrir que nos émotions sont beaucoup plus subtiles, vivantes et changeantes que nous le croyons généralement.
Les pensées et les émotions dans l’espace de l’attention: l’exemple de la colère
L’une des vertus de la méditation est de nous faire découvrir que nous nous identifions spontanément à nos pensées et émotions. Lorsque nous ressentons de la colère, nous sommes aussitôt convaincus que nous sommes en colère, et nous trouvons ainsi très vite des raisons de l’être. Mais pourquoi s’identifier ainsi à tout ce qui survient en nous ? Pourquoi ne pas penser que la colère vient nous visiter ? Pourquoi ne pas essayer de trouver un rapport plus sain avec elle ? Pourquoi ne pas lui dire bonjour sans pour autant lui donner raison ?
Dans la méditation, nous apprenons à reconnaître nos émotions mais sans être contrôlés par elles. Cela ne veut pas dire, comme on le croit parfois à tort, que nous ne vivons plus nos émotions, que nous en sommes entièrement détachés. Nous en sommes juste dés-attachés. Percevez-vous la différence ?
Les émotions ne sont plus alors vécues comme des attaques venant de l’extérieur, s’opposant à nous, comme lorsque nous nous sentons envahis par la colère ou la tristesse. En entrant dans l’épreuve de la méditation, nous vivons l’émotion comme un rayonnement singulier qu’il nous faut écouter. Si nous sommes tristes, nous sommes tristes. Inutile de le refuser. Nous pouvons ainsi entretenir un rapport plus sain avec l’émotion, un rapport moins conflictuel.
Si la colère vient, cela ne veut pas dire que nous avons raison d’être en colère. Nous pouvons la laisser être, sans forcément la justifier ou la cultiver. C’est du reste la meilleure manière de nous guérir de la colère !
En ce sens, dans la méditation
il ne s’agit ni d’accepter une émotion ni de la refuser
mais de faire entièrement connaissance avec elle.
Et c’est cette nouvelle voie qui est au cœur du chemin
ouvert par la méditation. C’est cette approche
qui va transformer profondément notre rapport à nous-mêmes.
Extrait de mon dernier livre Pratique de la méditation