Le 2 Novembre, j’ai présenté le coffret « 12 Méditations pour s’ouvrir à soi et aux autres », voici une retranscription de la soirée.
J'ai rencontré la pratique de la méditation, il y a maintenant plus de vingt
ans. Elle a orienté toute mon existence. J'ai eu la chance d'avoir été formé de
manière très intensive pas de nombreux maîtres dont la plupart appartenaient à
la grande tradition du bouddhisme tibétain.
Depuis quinze ans, je l'enseigne
et ce, de manière plus soutenue depuis que j'ai fondé l'Ecole Occidentale de
Méditation. Mais alors que j'ai rédigé une vingtaine d'ouvrages, je n'ai jamais
pu écrire, pour l'instant, un complet livre sur la méditation. Comment écrire
sur quelque chose qui met à mal tout discours ? Car la pratique de la méditation
est la découverte d'un état de présence réfractaire aux concepts et aux
explications. Elle est la découverte d'un sens d'être — Etre simplement là, dans
le présent vivant. Comment transmettre cela sans en faire l'expérience ?
Dans le même temps, je me demandais de quelle manière aider ceux qui
veulent pratiquer et n'ont pas toujours la possibilité de suivre un
séminaire.
Aussi, quand Audiolib m'a proposé de faire ce coffret, je me suis
dit qu'il y avait peut-être là une opportunité précieuse.
Et j'ai proposé,
non pas d'écrire un texte qui serait lu par un comédien, mais de transmettre la
pratique de la méditation telle que je la présente chaque mercredi soir à Paris
ou dans chacun des séminaires que je dirige, c'est-à-dire en pratiquant moi-même
! J'espère qu'ainsi la parole est plus vivante et habitée.
J'ai structuré un
chemin progressif en douze étapes car, si la méditation est simple, elle est
aussi une voie profonde et ample. En suivant cette suite de méditations,
l'auditeur aura ainsi un premier aperçu de l'ampleur de cette voie de
transformation, de ce trésor que j'ai reçu.
J'ai enregistré ces
méditations en pratiquant, assis sur mon coussin. En les écoutant, chacun pourra
entrer dans la dimension même de la méditation — qui est d'abord cette présence
unique, ouverte et spacieuse, détendue et alerte. Chaque méditation est complète
et unitaire. Il suffit de s'asseoir et de suivre ce qui est dit.
Depuis que
le coffret est sorti, j'ai reçu nombre de messages de personnes qui me disent y
trouver un point d'appui pour pratiquer. C'est sans doute ce qui manquait à
beaucoup pour pouvoir s'y mettre. Et même ceux qui sont déjà venus pratiquer
avec moi, me disent que l'écoute de ces méditations leur permet de s'y engager
plus régulièrement.
Je suis reconnaissant à toute l'équipe d'Audiolib qui a
fait un travail d'une rare excellence et a permis de faire cet ensemble de Cd et
de livre.
Qu'est-ce au juste que la méditation ?
La voie de la pratique de la méditation est la découverte de la présence nue.
Si jamais vous avez vu un vrai tableau, vous avez été sans doute frappé par
la présence qui s'en dégage. Vous êtes comme arrêté. Le tableau devient vivant.
Si vous avez écouté un concert de musique, vous avez peut-être fait aussi cette
expérience d'une présence ouverte et vivante. Ou encore lorsque vous êtes auprès
de quelqu'un qui vous touche et que vous aimez. Vous êtes dans une certaine
présence détendue et alerte en même. C'est cela la méditation. En ce sens, elle
n'est pas une gymnastique pour faire quelque chose, comme « le vide dans sa
tête » mais elle consiste à apprivoiser cette présence ouverte sans
laquelle aucun être humain ne peut exister pleinement. Non pas construire
quelque chose, mais nous mettre en rapport à ce qui existe déjà, et que nous
oublions s! ans cesse.
La méditation ne demande donc aucune compétence particulière. Tout être
humain, en tant qu'il est humain, peut complètement comprendre et entrer dans la
profondeur de la pratique de la méditation. En un sens tout être humain a fait
l'expérience de cet état de présence où l'on cesse d'être préoccupé par
soi-même.
Mais cependant, si d'un côté, la pratique de la méditation est
toute simple et consiste simplement à s'ouvrir à soi et aux autres, elle est
aussi la quintessence de toute spiritualité authentique. Pratiquer, c'est le
chemin et l'ascèse qu'ont suivis tous les grands saints de tous les temps.
Il faut donc tenir ensemble ces deux facettes : méditer, c'est tout simple, cela n'a rien d'extraordinaire ou de mystique, et c'est pourtant le geste profond au cœur de toute voie spirituelle. Gardons ces deux aspects car chaque fois que l'on enlève une des ailes à cet oiseau, il ne peut plus voler !
Dans ces deux CD j'ai pu, à travers les 12 instructions de méditation, aborder la présence au corps, le fait que la méditation n'est pas une relaxation, pourquoi garder le dos droit, comment être ni trop tendu ni trop relâché, le rapport à la respiration, à l'esprit…
Y a-t-il un moment idéal dans la journée pour pratiquer ?
Cela dépend de chacun. Personnellement je trouve que le meilleur moment est le matin quand on se réveille. On commence sa journée avec la méditation. Alors la journée est différente, tout semble plus clair. Il y a plus d'espace. De présence.
Qu'est-ce qu'une méditation réussie ?
C'est décisif de comprendre ce point : il n'y a pas de méditation réussie – ni ratée.
Alors ça ne sert à rien ?
Absolument. La méditation ne sert à rien. Ou si je voulais être plus technique philosophiquement, je devrais dire que la finalité de la méditation est une finalité sans aucune fin représentable.
C'est son seul intérêt. Alors vous ne pouvez ni la réussir ni la rater. Si on
pouvait la réussir, jamais, pour ma part, je n'irais faire une chose pareille !
Il y a suffisamment de choses dans la vie qu'il faut à tout prix réussir,
pour lesquelles il faut ajuster des moyens en vue de fins déterminées… Là vous
avez le droit de vous poser, d'être.
C'est un geste de bienveillance radicale. Dans la méditation, on arrête de s'en vouloir ou de se sentir coupable. On arrête d'être pris par le jeu du bâton et de la carotte. C'est pourquoi la méditation est si précieuse. Elle désencombre. Elle n'est certainement pas un nouvel outil pour se torturer. Des fois on pratique, on a l'impression qu'il ne se passe rien. Des fois la session est géniale. On vit des expériences de joie et de détente profonde. Cela ne change rien.
Imaginer que la méditation sera réussie parce qu'on aura atteint un état de paix parfaite, est une impasse. Du coup, à la première contrariété de la vie, on sera fâché de perdre cette paix si difficilement atteinte. On va ainsi renforcer le sentiment de lutte et de séparation. Quelle souffrance !
C'est uniquement en abandonnant l'idée d'utiliser la méditation qu'on lui permettra de transformer notre existence pour de bon. Et de nous faire découvrir un autre sens de présence et de confiance que celui qui dépendrait de la seule volonté. On découvre qu'il y autre chose au-delà de « moi-moi-moi et mes problèmes ».
A quoi est-on censé penser si la méditation ne consiste pas à faire le vide ?
Vous êtes présent. Votre corps est là, la respiration est là, le silence est là... Ce n'est pas vide mais plein, tellement vivant. Le philosophie Kierkegaard disait : « La vie et le monde tel que nous le connaissons sont gravement malades. Si j'étais médecin et que l'on me demandait mon avis sur les hommes, je répondrais : Du silence ! Prescrivez-leur du silence ! ». Il était visionnaire. Aujourd'hui l'idée de ne rien faire terrorise tout le monde. Cela cause de nombreux problèmes dans notre société. Les gens ont l'impression d'être vivants quand ils s'enivrent d'émotions fortes, par exemple en pratiquant des sports extrêmes ou en regardant des film d'horreur ou chez les jeunes en s'adonnant au binge drinking … Et puis ensuite, de tant d'émotions, chacun veut faire le vide, de la même manière qu'il é! teindrait la télévision ou l'aspirateur — c'est-à-dire comme on débranche un appareil ou vide un dossier informatique. Mais notre être, n'est pas une machine !
Et en réalité, l'intensité peut être partout — dans la moindre sensation. Dans une couleur, dans un moment de présence, en écoutant quelqu'un parler ou en vous allongeant sur un banc public et en posant votre tête sur les genoux de l'être aimé. L'intensité peut être liée au silence et à la présence.
Pour les gens qui ne peuvent pas assister à vos soirées de méditation à Paris, conseillez-vous de pratiquer à l'aide de l'Audiolib ?
Tout à fait, c'est dans cette optique que nous l'avons réalisé. Je conseille d'écouter une plage du Cd assis sur un coussin ou sur une chaise, et de rester ensuite quelques minutes en silence.
Comment être sûr de ne pas se tromper dans la pratique ?
Ce qui se passe dans la méditation ne peut être mesuré. Le paradoxe de la pratique est qu'au début c'est un choc. Contre toute attente vous découvrez que votre esprit est agité, qu'il n'est pas du tout calme. Cela ne vous plaît pas du tout. S'y confronter est cependant salutaire. Méditer n'est pas être en état de paix, mais travailler avec ce que nous sommes. Parce que la vie est comme ça ! Des gens que vous aimez sont parfois malades, d'autres vous font de la peine, personne de toute façon n'obtient tout ce qu'il veut. La méditation consiste à entrer en rapport à tout ce qui vient. Vous ne vous abritez pas ; vous vous désabritez.
Mais alors cette fameuse paix intérieure ?
La rechercher est un piège. Un égarement. Dès qu'on l'évoque, on ne va pas manquer de la fabriquer. Je connais plein de gens intoxiqués à la paix intérieure. Ils essaient de rester paisibles parce qu'ils ont peur des défis, de l'angoisse. Ils ont peur de la vie. Ils sont déprimés, tristes : alors ils respirent pour rester « zen ». Une émotion les submerge : vite un peu de « méditation » !
Quand vous regardez la vie des grands pratiquants de la tradition bouddhiste,
mais aussi celle des saints, des artistes, de tous ceux qui sont en rapport à
cette pleine présence, les défis qu'ils rencontrent ne sont pas amoindris par
leur pratique, mais ils sont au contraire de plus en plus considérables. Ce
n'est que dans la propagande spirituelle comme produit commercial qu'on parle de
paix intérieure. Lisez Milarépa, le plus grand maître de la tradition tibétaine
! Des monstres l'envahissent, des démons l'attaquent, il faut qu'il s'abandonne
toujours plus avant… Sa vie est une véritable aventure.
Personnellement, par
la pratique de la méditation, je n'ai pas trouvé la paix, mais je vis une
aventure extraordinaire. Certains vont escalader l'Himalaya. Je ne pense pas que
ce soit une aventure aussi palpitante que de pratiquer de la méditation. Vous
allez traverser des paysages incroyables, rencontrer de grands défis. Vous allez
entrer dans l'ampleur de la vie. C'est magnifique !
Je comprends bien cependant votre question. J'ai eu la même.
Il y a bien
des années, j'ai écrit un livre avec un évêque, Monseigneur Dubost. Quand le
travail fut achevé, nous avons dîné ensemble. Il m'a alors parlé des retraites
spirituelles qu'il faisait chaque année dans un monastère où les moines vivaient
retirés du monde dans une grande solitude. « Quelle chance, lui dis-je, ces
moines qui peuvent se consacrer à la vie spirituelle doivent certainement
découvrir la paix ». Et là, il m'a répondu : « mais pas du tout, ne vous trompez
pas, ils vivent un combat profond». J'ai reçu une claque.
Tous les
pratiquants qui sont entrés pour de bon dans le chemin le disent. Il faut cesser
de rêver les yeux ouverts. La méditation est un combat sain et positif qui
consiste à travailler avec la peur et l'angoisse. Pas à la fuir. Elle n'est pas
une partie de plaisir, une façon de se détendre. Un produit concurrent aux
productions Disney.
Bien sûr, aujourd'hui trop souvent la pratique n'est plus
qu'une façon de se cacher, de fuir l'ardeur de la vie, l'ampleur de la
souffrance. De ne pas assumer ses responsabilités. C'est tout à fait malheureux.
Chögyam Trungpa disait, en ce sens, à ses étudiants : « vous parlez d'atteindre
l'éveil, mais aucun d'entre vous ne supporterait la douleur de l'éveil, car
alors vous seriez en rapport à la souffrance du monde entier sans aucune
protection ». C'est cela. Lisez la vie de Milarépa, de Sainte Thérèse de Lisieux
ou du peintre Rothko. La grandeur d'un être humain ne consiste pas à atteindre
la paix intérieure, comme on gagne au loto, mais c'est une aventure humaine
d'une intensité extraordinaire. La méditation tranche le brouillard, aussi bien
celui de l'esprit que celui du cœur.
Je vais vous raconter une dernière histoire. Quand Marpa (le maître qui
introduisit le bouddhisme indien au Tibet au XII siècle) perdit son fils dans un
accident de cheval, il en fut profondément atteint. Les gens lui demandèrent
alors « mais je croyais que la méditation donnait la paix intérieure ? (vous
voyez c'est une vieille histoire !).
La mort de ton fils est une simple
illusion. » Ou encore : « si tu souffres, c'est que tu es encore dans
l'attachement ».
Marpa répondit alors : « la mort de mon fils est une
super-illusion ».
Quelle magnifique réponse, si profondément humaine. J'ai
toujours été très ému par cette phrase, que l'on trouve dans l'ouvrage de
Chögyam Trungpa Pratique de la voie tibétaine. Roland Barthes l'a
reprise en 4e de couverture de La chambre claire. C'est
particulièrement émouvant car ce livre, vous le savez sans doute, est une
méditation sur la mort de sa propre mère.
Quand la vie blesse, quand vous
êtes submergé par une émotion, la voie ne consiste pas à vous réfugier dans un
abri douillet de paix. A respirer pour ne plus être stressé. Elle consiste à ne
plus avoir peur ! N'ayez plus peur de vos émotions et de la vie. Voilà la paix
véritable ! Voilà la leçon de la méditation comme je la comprends. La méditation
nous apprend à entrer dans une véritable confiance.
Je profite de ce billet pour vous demander à mon tour de l'aide
Je reçois de nombreuses demandes de journalistes et de gens qui cherchent à
savoir comment est employé le coffret. Comment il aide ou non à commencer ou à
approfondir la pratique de la méditation.
Ce que la pratique vous fait
vivre.
Si vous l'avez écouté, s'il vous est utile, si quelque chose vous
semble manquer, s'il vous à déçu ou enthousiasmé, je serais très heureux d'avoir
vos commentaires et vos retours.
Cela me serait très précieux.
En vous
remerciant par avance
Fabrice Midal Ecole Occidentale de Méditation