Naturellement, de nombreuses vérifications de tous ordres ne feront que confirmer ces liens étroits et précis entre le tarot, l’univers et le système nerveux.
On peut (on doit) utiliser la perception de ces liens dans un but divinatoire. Alors l’ensemble des cartes semble manifester une conduite, une autonomie qui lui est propre, qui se manifeste à travers les êtres humains mais sans dépendance, vis-à-vis d’eux ou de leurs méthodes.
36 Chandelles: Image de Jean-Luc LANEZCertes, on peut superficiellement manipuler le tarot. C’est-à-dire, petit fragment d’humanité, décider qu’on a « compris » le tarot, attribuer telle ou telle signification à tel arcane ou à l’ensemble, prescrire qu’il faut le consulter comme ci ou comme ça, en rond ou en ligne ou en carré. Le tarot s’en moque ! Mais ce n’est pas bon pour le manipulateur.
Arrêter la manipulation, c’est s’ouvrir. Cela implique l’abandon de toute ambition personnelle, de tout désir de domination par ce que l’on a découvert. Et c’est difficile (surtout lorsque les lignes de force de l’univers commencent à se dessiner devant vous) de renoncer à en informer le reste du monde ! Voila pourquoi, dans les débuts, le travail avec une des grandes voies – le plus souvent solitaire – de la tradition, renforce l’ego d’une façon tout à fait splendide.
Beaucoup de gens en restent là ; ils se ressemblent tous, même physiquement. Car, arrivé à ce point des débuts, on risque de penser qu’on a plus besoin de continuer le travail. Il faut passer outre, continuer. Alors, lentement, à dose homéopathique, la splendeur regrettée se remplace par une gratification moins palpable, mais d’une bien plus belle eau, et un extraordinaire allègement du moi.
Jamais personne n’a impunément exploité à son seul profit les richesses de l’inconscient collectif, l’héritage de l’humanité et les secrets captés dans le système nerveux. C’est un des grands enseignements du tarot. Utiliser le tarot uniquement à des fins divinatoires (comme « support de voyance ») alors qu’il contient le modèle de l’univers, entraîne un avilissement. Encore une fois le tarot s’en moque, et il est assez puissant pour structurer à leur insu les manipulateurs ! Par contre, toute subordination du tout à la partie entraîne chez les étourdis des troubles graves sur les plans subtils, et ferme la porte aux vrais secrets.
Je ne terminerai pas sans avoir joyeusement exprimé ma gratitude à Alexandro Jodorowsky d’une part, et Rodrigo de Azagra d’autre part. Leurs maïeutiques opposées mais complémentaires permettent de vérifier constamment si l’on est un serviteur loyal du tarot. Merci aussi à toutes les merveilleuses personnes qui sont venues chez moi trouver dans le tarot de Marseille le portrait de leurs problèmes et la façon de les résoudre.
Est rota magister
Illustration : Jean-Luc LANEZ
Tchalaï
Paru dans “Question de” n°30
mai-juin 1979