J‘aurais tendance à dire que vivre d’espoirs c’est se créer des désespoirs futurs. Mais c’est un sujet aussi important que délicat. Je vais essayer d’en parler tout en faisant attention que cette lecture ne puisse être prise d’une manière nihiliste, ce qui serait bien différent de ma façon de voir la vie.
Il est nécessaire que nous ayons des objectifs dès que nous réalisons des actions un peu complexes. L’important est comment nous nous attachons ou non à l’atteinte de ces objectifs.
Un exemple métaphorique très simple : J’ai un rendez-vous à 14:00, je fais le projet de manger à midi pour être à l’heure. c’est mon objectif.
Mais à midi une amie vient pour parler, je pourrais lui dire que je n’ai pas trop le temps, mais je sens que son besoin de parler est vital. Je l’écoute. Elle repart. Je n’ai plus le temps de manger avant mon rendez-vous. Je n’ai pas atteint mon objectif, mais cela ne me pose pas de problème, ayant pu soutenir une amie. Je mangerai après mon rendez-vous ou ce soir, ou je prends un fruit sec et des oléagineux.
Maintenant si j’étais parti avec un espoir : je vais bien manger avant mon rendez-vous. Peut-être serais-je maintenant stressé par ce manque qui devient désespoir (très light, je pense, dans l’exemple présent ).
L’humain est un être de croyances, On peut donc aussi avoir des croyances qui soient le moins limitantes possibles. Par exemple je crois que nous avons en nous une potentialité qui nous permet d’être en tant qu’humain « complet » même quand elle ne s’exprime pas, même quand nous avons des attitudes contraires. Cette croyance est importante pour moi dans un contexte professionnel d’aide, de soutien et d’accompagnement. Car cela veut dire que quelqu’un qui arrive au « 36ème dessous » ou avec une image sociale négative ou qui ne croit pas en lui, moi de par mes croyances, je vais croire en lui et cela va changer mon type de travail.
Voilà qu’elles semblent être, par exemple, les « croyances » du Dalaï Lama :
« Toutes les méthodes employées par le dalaï-lama se fondent sur un ensemble de convictions élémentaires qui tiennent lieu de socle à toutes ses actions: la croyance dans l’aménité et la bonté foncière de tous les êtres humains, la croyance en la valeur de la compassion, la croyance en une véritable politique de la bienveillance, et le sentiment d’une communauté entre toutes les créatures vivantes. » Howard Cutler
Le Dalaï Lama nous explique que ces croyances épanouissantes doivent même nous guider pour chacun de nos projets :
« Le but de nos vies est de réaliser le Bonheur et de vivre dans la joie et dans la plénitude qui l’accompagnent. Il est possible d’atteindre ce but si nous ne perdons pas l’espoir que nous pouvons y parvenir. L’espoir permet de développer le courage et de ne plus voir l’existence comme vide de sens, désespérée, sans but. Il est nécessaire et vital pour nous accomplir et pour atteindre nos objectifs, même de simples projets. » Tenzin Gyamtso
Le rêve est aussi important. Si je rêve d’occuper une fonction particulière, d’y rêver me permet intérieurement de me construire des fondations et une ossature sur lesquelles pourront se bâtir la réalité. Mais le rêve est aidant tant qu’on reste dans la conscience que c’est un rêve. Comme dans le yoga du rêve tibétain ou le rêve conscient, ou dans la nuit on rêve tout en étant conscient que ce n’est qu’un rêve.
Quand je dis qu’il ne faut pas avoir d’espoir, je veux dire qu’il ne faut pas croire aux lendemains qui chantent, aux miracles qui arrivent. Ce type de croyances, comme la peur, nous empêchent d’entrer en contact avec ce que nous sommes et de le réaliser. Il peut y avoir des lendemains qui chantent (heureusement), il peut y avoir des miracles (en général des choses qui arrivent dont nous ne sommes pas capables de comprendre ou expliquer la cause) mais je ne bâtis pas ma vie sur leur attente, mais fais ce qu’il faut, au mieux de mes possibilités du moment, pour que cet instant soit un instant qui chante, pour que le miracle de la vie s’y exprime en moi. Avoir de l’espoir, c’est projeter dans le futur un temps où je serai bien, et c’est donc refuser de vivre ce qui m’arrive maintenant et même de m’y autoriser à bien y être, « malgré tous les malgré ».
Quoi que nous pensions, rêvions, espérions, il s’agit en fait de toujours rester dans le présent sans attentes excessives d’un futur hypothétique.
« Plus on peut être à fond maintenant, plus on se rend compte qu’on est toujours au milieu d’un cercle sacré. Quoi qu’on fasse, on le fait maintenant.
Abandonne tout espoir de fruit. Le mot fructification implique qu’un beau jour tout va bien aller.
L’impression que le moment présent ne suffit pas est l’une de nos habitudes les plus solidement ancrées.
Au lieu de chercher une fructification, on pourrait simplement essayer de garder le coeur et l’esprit ouverts, c’est à dire être résolument branché sur le présent. En entrant dans ce type de relation inconditionnelle avec soi-même, on peut commencer à établir un lien avec la part d’éveil en soi qu’on possède déjà. »
Pema Chödrön
L’espoir pour moi est du même niveau que la peur, c’est quelque chose de non-fondé qui nous empêche de voir la réalité sous son vrai jour et nous amènera à goûter le désepoir, la déception, la souffrance.
« Pris dans un tourbillon de hâte et d’agressivité, nous vivons notre vie dans le conflit et l’angoisse; nous sommes emportés par la compétition, l’avidité, le désir de possession et l’ambition. Nous nous chargeons sans répit d’occupations et d’activités superflues. La méditation, elle, est l’exacte opposé. Méditer, c’est rompre complètement avec notre mode de fonctionnement « normal ». c’est un état libre de tout souci et de toute préoccupation, exempt de toute compétition, désir de possession et saisie dualiste, libre de lutte intense et angoissée, et de soif de réussite. c’est un état sans ambition où ne se manifeste ni acceptation ni refus, ni espoir ni peur; un état dans lequel nous relâchons peu à peu, dans l’espace de la simplicité naturelle, les émotions et les concepts qui nous emprisonnaient. »
Sogyal Rimpoché