Article paru dans Pharaon Magazine hors série n°3
Les temples égyptiens n’étaient pas des lieux de culte, de prières comme le sont les églises, les mosquées, les synagogues. Les croyants n’ont pas le droit d’y pénétrer hormis lors de grandes cérémonies ou en se limitant à des zones bien précises. Par contre, l’Égyptien pouvait invoquer les dieux, prier chez lui devant une petite chapelle aménagée dans la maison. Les dieux sont-ils sourds aux prières ?
Les étonnantes stèles-oreilles et les oreilles de pierre
Tous les musées ayant une collection égyptienne exposent des stèles, de la plus petite à la plus monumentale, de plusieurs mètres de haut. Il existe une catégorie de stèles très particulière : les stèles dites à oreilles ou stèles-oreilles. Ce nom vient du fait que ces stèles arborent une ou plusieurs oreilles. Ces stèles font référence souvent à une divinité bien précise et la personne qui a passé commande de l’objet est souvent représentée avec les textes de supplications. Deir el-Médinet, le village des artisans du Nouvel Empire à Louxor, a fourni plusieurs beaux exemples de stèles oreilles. Autre variante pour s’adresser aux dieux, des oreilles en pierre, bois ou faïence, avec le dieu de la divinité concernée.
Pour les uns, ce serait une manière pour un malentendant de faire une prière à un dieu, pour les autres, une manière d’attirer l’attention d’une divinité et se faire entendre par celle-ci. Cette dernière interprétation a notre préférence, car au moins dans un exemple, célèbre, des oreilles sont sculptées sur un relief d’un temple : grand relief du mur du fond au temple de Kom Ombo. Et d’autres temples possédaient des oreilles identiques sculptées sur les murs extérieurs des temples (temple de Ptah à Memphis). Ces stèles oreilles pouvaient aussi être placées dans des chapelles spécialement dédiées à recevoir ces demandes.
Le dieu qui écoute les prières
La personne pouvait grâce à ces stèles se faire entendre d’une divinité sans intermédiaire, mais il y a des dieux qui écoutent plus que d’autres : Ptah, Isis, Thot, Amon. La divinité est alors « celle qui écoute ». Ptah est parfois appelé « Ptah lui qui est au sud de son mur, le dieu glorieux qui entend les prières ». Des temples entiers sont même dédiés au « dieu qui écoute les prières ». L’exemple le plus connu est le petit temple à Karnak d’« Amon-qui-écoute-les-prières ». Cela signifie que le peuple y avait accès pour faire des prières et des demandes. Et le dieu, par le truchement des prêtres, rendait aussi des oracles.
Ces hommes qui devinrent des dieux
Des hommes peuvent devenir des (quasi) dieux, avec un véritable culte autour de leur personne, souvent pour des conseils, des guérisons. Plusieurs exemples – Imhotep étant le plus connu – illustrent cette surprenante réalité.
Imhotep, architecture, médecin et vizir du roi Djoser, est connu pour avoir inventé la première pyramide égyptienne à Saqqarah. Considéré comme un sage puis comme guérissant les malades, il devient un véritable dieu durant le 1er millénaire avant notre ère. Durant la période gréco-romaine (30 av. J.-C.-395), Imhotep eut le privilège d’avoir des temples, des sanctuaires dédiés à sa personne divinisée. De très nombreuses statuettes en bronze le représentèrent.
Autre grand personnage divinisé : Amenhotep fils de Hapou. Architecte et responsable des chantiers royaux du pharaon Aménophis III, il surveilla l’extraction et la mise en place des immenses statues du roi à Louxor, les fameux colosses de Memnon. Il mourut à 80 ou 90 ans. Rapidement, Amenhotep fils de Hapou fut assimilé à un sage et à un devin. C’est au début de la période ptolémaïque (3e siècle de notre ère) que l’architecte, mort depuis mille ans (sic) devient une divinité ! La mythologie dit qu’il fut le fils de Thot et Sechat. Il est régulièrement associé à Imhotep. De son vivant, Amenhotep fils de Hapou jouissait d’immenses privilèges : temple funéraire près de ceux des pharaons à Louxor et surtout de nombreuses statues à son nom ! Et ces statues devinrent des lieux de culte où les gens venaient vénérer le dieu et demander des guérisons.
Autre divinité humaine, Héqaïb, de son vrai nom Pépynakht. Il vécut sous le règne de Pépi II. Il fit plusieurs expéditions en Nubie et y joua visiblement un rôle important. C’est durant le Moyen Empire que Héqaïb connaîtra un culte intense dans un sanctuaire spécialement construit pour lui sur l’île d’Éléphantine.
François Tonic -- Pharaon Magazine