Au sud-est de la Turquie, au pied du Taurus, un site datant du début du néolithique intrigue depuis plusieurs décennies les archéologues et préhistoriens. Connu et fouillé depuis 1963, Gobekli Tepe ne cesse d’interroger les origines de la religion durant la préhistoire.
Caché sous plus de 15 mètres de déblais accumulés depuis des millénaires, le
site turc cachait un monument étonnant : un temple. Jusque-là rien de bien
extraordinaire mais ce domaine sacré remonte au moins à 9 000 ans avant J.-C. !
Ce qui en fait sans doute le plus vieux temple connu en pierre ! La
chronologie est encore fluctuante, certaines analyses donnent même 11 500 av.
J.-C. ! Le site, pour une obscure raison, cesse toute activité vers 8000
av. J.-C. Nous ne savons pas si les habitants recouvrirent eux-mêmes le temple
ou si la nature fit son œuvre. Aujourd’hui, une équipe germano-turque fouille
le site depuis 1995.
Architecture étonnante !
Situé sur une colline (la colline est elle-même artificielle et entre dans
l’architecture du temple), les murs du temple sont en pierre non sculptée.
Chaque salle composant le temple est en pierre colossale et de forme ronde.
Actuellement, 4 salles sont connues. Ils se composent d’énormes piliers en
calcaire pesant plus de 10 tonnes et terminés par une sorte de chapiteau. Pour
l’archéologue allemand Klaus Schmidt, ces piliers, rangés en cercle, pourraient
symboliser les hommes se rassemblant. Mais la finalité des salles et des
piliers reste encore à découvrir. Et les prospections magnétiques promettent de
nombreuses autres découvertes.
Les piliers ont une forme de T. De nombreux piliers possèdent des sculptures,
le plus souvent d’animaux : serpents, canards, grues, taureaux, scorpions,
etc. Et certaines furent (volontairement sans doute) effacées. Mais d’autres
sont indépendantes des piliers, celles représentant des sangliers, mais là, le
matériau est de l’argile et de nombreuses sculptures sont difficiles à
déterminer. Il semblerait que les ateliers des artisans se situaient
directement sur le site ; plusieurs piliers inachevés sont encore
visibles. Le site recèle aussi des gravures stylisées de motifs géométriques
mais non datées, ayant une étonnante ressemblance avec des figures similaires à
Sumer ou Helwan.
Quelle forme de religion existait-il ?
Faute d’écriture, de témoignages, nous devons spéculer sur les rites, les dieux
pratiqués ici. Pour les chercheurs, il faudrait sans doute y voir une culture
chamanique, mais rien n’est moins sûr. Il semblerait que l’on passe à un moment
donné du stade d’une « religion », d’une vénération individuelle, à une
religion de groupe comme peut l’indiquer Gobekli Tepe. Les motifs du site
pourraient confirmer le culte chamanique, mais de nouvelles analyses seront
nécessaires pour être définitif sur la question.
Pourquoi un tel temple à Gobekli Tepe ? Il faudrait y voir un dieu, un
lieu sacré, mais encore faut-il savoir pourquoi ce lieu est sacré ? Il y a
de toute évidence une raison pour avoir réalisé un tel monument en ce lieu. Et
pour Schmidt, les représentations animales sur les piliers racontent une
histoire : le bien contre le mal ? Un mythe préhistorique ?
Une société locale ?
Gobekli Tepe montre aussi une étonnante structuration humaine et sociétale. Car
nous sommes encore dans une civilisation pré-agricole (on reste à une culture
chasseur-cueilleur) et où la ville, la notion d’urbain n’existent pas encore.
Et pourtant, à une haute époque, un groupe d’hommes se sont mis en commun pour
créer cet étonnant temple. La forme ronde était-elle un rappel d’observation
céleste ? Peut-être. Mais Gobekli Tepe se situe sur le croissant fertile,
la Mésopotamie, qui va voir apparaître en premier une espèce du blé.
Quoi qu’il en soit, nous ne savons rien du ou des peuples qui bâtirent ces
cercles de monuments. Schmidt pense qu’ils venaient de loin, de très loin, mais
d’où ? De l’intérieur de la Mésopotamie ? Du Proche-Orient ? Un
pèlerinage avait-il lieu avec des sacrifices d’animaux ? Le plus étonnant
est la découverte de statues (des idoles, des dieux ?) sur le site.
Un site abandonné
Mais un problème se pose. La fouille n’a pas permis de découvrir de traces
d’occupations sédentaires de Gobekli Tepe, ni d’enclos pour des animaux
domestiqués.
Bref, le temple de Gobekli Tepe servait-il à quelques
« dates » pour des cérémonies ? Et laissé vide le reste de
l’année ? Et pourquoi des traces d’activités sont-elles présentes sur le
site ? Des flèches, des racloirs furent retrouvés à un niveau identique à
celui du temple. Ces outils datent donc de l’activité du temple. Et les
archéologues mettent en évidence un enfouissement volontaire du temple vers
8000 av. J.-C.
Pourquoi ? Par qui ?
photos de Nazli Evrim Serifoglu (merci à lui !!!)
François Tonic
Historien et journaliste. Fondateur et Rédacteur en Chef de Toutankhamon
Magazine et de Pharaon Magazine
www.toutankhamon-magazine.com