Les
quartiers royaux
Les fouilles archéologiques mettent à jour chaque année de nouveaux morceaux de
cette ville fantôme, gisant sous les immeubles et routes modernes. On connaît
peu la physionomie et les contours des quartiers royaux, des ports et les
anciens rivages. Plusieurs années de fouilles intenses à quelques mètres de
profondeur permirent de dévoiler les structures disparues et englouties d’Alexandrie.
Une des plus grandes découvertes est celle du Portus Magnus, le grand port. Des
noms aussi prestigieux que l’île d’Antirhodos, le Timonium pouvaient enfin être
localisés avec précision. Le site de fouille dans le port actuel couvre 500
hectares !
Le premier travail consista, dès 1992, d’établir une carte précise de la partie
Est du port d’Alexandrie. Le quadrillage serré des relevés et les magnétomètres
détectèrent quantité d’anomalies et de structures. Grâce à ce minutieux
travail, des fouilles « chirurgicales » eurent lieu à partir de 1996.
Les plongées s’avèrent difficiles et éprouvantes à cause de la pollution, des
algues, des sédiments. La visibilité s’en trouve réduite à quelques
centimètres. Le mauvais temps empêche souvent toute sortie en mer. Soulevés par
les courants, les sédiments amoindrissent la visibilité. Une des premières
découvertes fut la péninsule du Poseidium (du nom de Poséidon). C’est là que
les fouilleurs dénichent les ruines du Timonium, le palais-sanctuaire de Marc
Antoine. Un peu plus tard, l’île d’Antirhodos se révèle aux plongeurs. Là, la
grande Cléopâtre y construisit un palais.
Les citernes
Dès sa fondation, la ville a toujours connu une pénurie d’eau potable. Très
tôt, un système complexe de canalisations va permettre d’acheminer l’eau
nécessaire aux habitants. À la fin du Moyen Âge, Alexandrie possédait au moins
700 citernes souterraines. Connues jusqu’au XIXe siècle, elles disparaissent de
la mémoire, des cartes, hormis quelques exceptions. Mais ce n’est qu’avec les recherches
menées par le Centre d’étude alexandrines que l’on commence à les retrouver,
les répertorier. Malheureusement, aucune n’est aujourd’hui accessible au
public ! L’unique citerne ouverte est celle d’el Nabi. Depuis quelques
années, une fouille archéologique exhaustive a permis de mieux connaître son
architecture et surtout sa chronologie. Haute de plus de 12 mètres, il s’agit
de la plus grande citerne jamais creusée dans la ville. Elle daterait du 9e
siècle avec des colonnes remployées de diverses époques.
Nécropolis
Connue partiellement par les descriptions du XIXe siècle, par des textes datant
de l’Antiquité, et diverses gravures, il a fallu attendre les fouilles
d’urgence dans le quartier de Gabbari. Alors en pleine construction, un
auto-pont est stoppé, des piliers traversent d’étranges tombes. On venait de
découvrir une partie de Nécropolis ! C’était en 1996. La fouille dévoila
un vaste réseau de catacombes connectées les unes avec les autres. Les loculis
contenant les défunts s’articulent autour de grandes salles
« centrales » et de pièces plus petites sur plusieurs niveaux.
Malheureusement, les niveaux inférieurs étant inondés, impossible de les
explorer. Une extension des fouilles est prévue depuis le début mais rien n’a
pu démarrer… Nécropolis gardera une part de son mystère.
Comme bien souvent à Alexandrie, les fouilles d’urgence sauvent ce qu’elles
peuvent des constructions modernes. La ville antique étant sous la ville
moderne, il faut attendre la destruction de bâtiments pour aller voir ce qu’il
y a dessous ! C’est ainsi, suite à la destruction du garage Lux et du
cinéma Park, que les équipes du Centre d’études alexandrines ont pu localiser
et fouiller partiellement le site du Césaréum (2000-2002). Dès la fin des
fouilles, les promoteurs étaient sur le terrain pour continuer le chantier. La
fouille révéla de nombreux éléments d’architecture, des fragments de colonnes
d’une taille inattendue ! Et surtout, un superbe buste d’une statue d’un
empereur romain.
Anecdote, les aiguilles de Cléopâtre étaient deux grands obélisques datant du
Nouvel Empire (soit plus de 1300 ans avant Cléopâtre). Elles furent dressées
devant le Césaréum. Ces aiguilles étaient renommées mais étonnamment, les plans
anciens les localisaient mal et lors du déplacement d’un des obélisques (1877),
des photos furent prises. Ces images permirent aux chercheurs du Centre
d’études alexandrines de retrouver l’axe et l’emplacement des aiguilles après
une longue enquête, permettant du même coup de mieux préciser l’emplacement et
l’orientation du Césaréum, aujourd’hui sous les bâtiments et rues modernes !
L’heptastade
Énorme construction reliant la ville d’Alexandrie à l’île de Pharos,
l’Heptastade. Il s’agissait d’une sorte de digue ou d’un « pont »
laissant les eaux communiquer. Mais avec le temps, et faute d’entretien,
l’Heptastade capta des déblais, sédiments, et finit par former une terre. Il
possédait un aqueduc pour acheminer l’eau douce à Pharos. De son architecture
nous ne connaissons rien, il devait posséder à intervalles réguliers un
bâtiment dont l’utilité n’est pas connue. La construction se situe donc quelque
part sous la terre, reliant la terre et l’ancienne île. Mais où ? Aussi
étonnant que cela puisse être, l’archéologie n’a pas réussi à déterminer l’axe
du monument ni sa longueur… Mais les dernières analyses (2002) permettent de
commencer à déterminer l’emplacement et d’en chercher le point de départ et son
arrivée à Pharos…
Les recherches continuent année après année. Que reste-t-il à découvrir ?
L’emplacement exact de la grande bibliothèque d’Alexandrie, et bien entendu, la
Séma, contenant la tombe d’Alexandre le Grand et des Ptolémées.
François Tonic
Historien et journaliste. Fondateur et Rédacteur en Chef de Toutankhamon
Magazine et de Pharaon Magazine
www.toutankhamon-magazine.com