Il existe de très nombreuses façons de présenter la méditation. La manière la plus répandue actuellement est d’expliquer les bienfaits qu’elle procure : méditer vous rendra moins stressé, plus calme, ou vous permettra d’obtenir tel ou tel bénéfice…
Certes, la méditation aide profondément ceux qui s’y engagent régulièrement et nous comprenons mieux, chaque jour, comment elle le peut.
Mais à l’instant où nous avons un but, nous commençons à nous crisper : soit nous avons peur de ne pas y arriver soit, à l’inverse, nous sommes excité à l’idée de relever un nouveau défi.
Mais ces attitudes n’ont strictement rien à voir avec le geste même de s’asseoir. Au Contraire, elles l’empêchent.
Il serait préférable de dire d’emblée que la méditation consiste à prendre un moment pour ne rien faire. Absolument rien. On s’assoit pour rien. On reste là, simplement présent à ce qui est. C’est tout.
Et c’est cette radicalité qui fait de la méditation un acte si profond et si novateur.
Il faut y insister — si vous voulez méditer il faut être prêt à entrer en rapport à ce qui est là, maintenant. A ce que vous vivez. Ne cherchez rien. N’ayez aucun projet. Prenez le risque de laisser la méditation faire ce qu’elle doit faire.
Car c’est bien là l’un des renversements majeurs. Au lieu de vouloir faire que les choses soient comme nous le voulons, suivant des projets souvent limités, voire parfois malencontreux, nous laissons la pratique œuvrer en nous.
Et étrangement, nous voyons que les fruits qu’elle nous offre ne sont pas ceux que nous avions prévus. Toute personne engagée dans la pratique découvre avec surprise comment pratique la transforme. Et même après vingt-ans de pratique, vous serez surpris.
Méditer, c’est laisser derrière soi le projet de vouloir faire les choses de façon parfaite pour plutôt apprendre à faire confiance.
Pourquoi est-ce que je présente la méditation comme un moment où l’on ne fait rien ?
Je n’ai pas toujours présenté la méditation ainsi. J’ai un temps décrit que méditer consistait à revenir au moment présent.
Mais malgré mes efforts pour montrer que ce geste est naturel, je voyais tellement de gens frustrés, qui se sentaient coupables d’être submergés par leurs émotions ou leurs pensées ou par quelques tensions corporelles… Ils voulaient tout de suite correspondre à l’idéal du pratiquant parfait. Et, n’y arrivant pas, ils étaient déçus.
Mais c’est l’idée même d’un pratiquant idéal qui est fausse. Méditer consiste en réalité à se relier à notre situation.
A rencontrer nos faiblesses, nos manquements — enfin tout ce qui fait une vie humaine. Du reste, l’une des meilleures manières de guérir les déceptions, les trahisons, les abus, les préjudices, les traumatismes que nous avons vécus, est d’accepter d’entrer en relation à ce qui, en nous, est blessé. On ne peut méditer que si l’on est prêt à renoncer à nos projets et idéaux. Que si on accepte de ne rien faire. De laisser être ce qui est. De rencontrer ce qui est là. De s’ouvrir à la vie.
Est-ce que ne rien faire n’est pas un acte de paresse ?
Nullement. Mais cette inquiétude très courante, mérite que l’on s’y arrête. Car elle révèle bien cette obsession que nous avons de devoir réussir quelque chose et surtout d’être volontariste (et non paresseux). Quand nous confondons l’agitation, l’occupation avec le fait de faire quelque chose pour de bon, il n’est pas du tout du certain que cette attitude soit féconde. Nous nous activons beaucoup, mais ce que nous faisons est-il vraiment important et bénéfique ?
Mais comment fait-on pour ne rien faire ?
Cela s’apprend ! C’est cela l’art de la méditation. Car en effet ce n’est pas du tout évident et la plupart d’entre nous ne savent pas du tout comment s’y prendre. Rester sans rien faire assis sur un canapé à regarder la télévision ou à écouter la radio, ou encore rêvasser n’est pas du tout ne rien faire. Nous sommes en réalité très très occupés et nous avons souvent très peur que cela s’arrête, que l’ennui surgisse.
Soit nous sommes très agité, agissant parfois même fébrilement, soit nous restons immobile et épuisé.
La méditation correspond à une autre attitude qui a été peu développée dans notre culture. On ne fait rien, mais cela demande d’y mettre du sien.
Ce qui est décisif dans cette instruction est de suspendre toute idée que nous devrions faire quelque chose, que l’émission que nous regardons devienne enfin intéressante, que ce travail soit enfin achevé, que ce moment soit un bon moment. Là, il n’y a rien à faire. Il n’y a donc rien à réussir ou à rater. C’est un formidable soulagement. On se fout la paix absolument.
C’est tout aussi déconcertant que franchement libérateur.
Laissez tomber tout objectif, tout projet. Prenez juste un moment pour vous asseoir.
En quoi la méditation est-elle pour cela un acte d’amitié envers soi ?
En réalité, l’idée que nous devrions changer, nous améliorer repose sur une forme d’agression contre soi. « Ah si seulement je n’étais pas comme ceci ou cela alors, et seulement alors, je pourrais m’accepter ». Ne voyez-vous pas comme cette attitude est en réalité violente ? Dans la méditation, vous vous ouvrez sans condition à ce que vous êtes au moment présent. Vous vous abstenez de critiquez votre manière de pratiquer comme tout ce qui s’y passe. Autrement dit, pratiquer nécessite une atmosphère de bienveillance inconditionnelle.
Je connais tant de personnes qui se sont engagés dans la pratique depuis de longues années, parfois des décennies, et qui se rendent compte qu’elles n’ont pas pratiqué pour cultiver de la bonté envers eux-mêmes. Au contraire, elles s’y sont engagées de manière quelque peu agressive, comme un devoir.
En un sens, c’est tout à fait normal. Nous adoptons envers la pratique la même approche que nous utilisons pour tout le reste. Et dans tout ce que nous faisons depuis l’enfance, il faut « mieux faire », être plus rapide, plus cohérent, plus clair, plus chaleureux, plus pertinent…
Comme c’est dommage. Soit nous nous imposons quelque chose, soit nous renonçons car c’est trop dur et nous n’en pouvons plus. Mais en réalité, aucune de ces deux attitudes n’est juste.
Voilà la leçon de la méditation.
On tient sans effort, on s’abandonne sans lâcher la dignité de la posture, qui se suffit à elle-même. On a le droit d’être, juste d’être, là, maintenant, exactement tel qu’on est.
N’est-ce pas merveilleux ?
Fabrice Midal Ecole Occidentale de Méditation