Nous mesurons mal combien, depuis l’introduction de la méditation en Occident, son développement est extraordinaire. Il est dû à quelques personnes, dont l’une des plus importantes est Thich Nhat Hanh.
Nous ignorons souvent qu’en Asie la pratique de la méditation était peu à peu, au cours des siècles, tombée dans l’oubli. Elle était réservée à quelques ermites, quelques centres particuliers, en marge. Le bouddhisme pour l’essentiel était devenu un ensemble de rites, de pratiques dévotionnelles et de gestes de foi. Ce fut la force de quelques individus de choisir de remonter à la source du message du Bouddha.
Thich Nhat Hanh a été ici un être aussi exceptionnel que visionnaire. Il a senti que le retour à la méditation était à la fois un retour aux sources, mais aussi une manière de libérer le bouddhisme du carcan religieux où il était trop souvent enfermé. Revenir à la méditation, c’était à la fois retrouver une inspiration spirituelle profonde et s’ouvrir à tout un chacun. S’ouvrir au monde. S’ouvrir à la souffrance sociale.
Et en ce sens, transmettre la méditation a tout de suite été pensé par Thich Nhat Hanh comme un acte politique. Une façon de libérer les êtres humains de leur souffrance, de les aider à trouver en eux des ressources souvent oubliées.
Je suis frappé aujourd’hui du débat actuel sur le sens du bouddhisme. On explique que le bouddhisme implique renoncement, croyance dans le karma et autres points de doctrine tout en considérant que le souci de mettre l’accent sur la pratique, l’attention, la présence serait un dévoiement — voire un compromis avec le développement personnel. Mais c’est là se méprendre.
On conçoit très bien que le retour aux Évangiles par le christianisme, ainsi que le propose le pape François par exemple, n’est pas un dévoiement, mais un ressourcement.
Pourquoi en irait-il différemment avec le bouddhisme ?
Pourtant, le cœur de cette voie est de mettre l’accent sur la pratique. C’est à partir de là que le reste de la vision s’est déployé.
Le bouddha n’a-t-il pas passé de nombreuses années en méditation ?
Il est tout de même un peu surprenant de l’oublier.
Thich Nhat Hanh s’est engagé dans un travail inouï de lecture des grands sutras du Bouddha, montrant qu’ils n’étaient pas des textes théologiques, abstraits, métaphysiques, mais des descriptions de pratique d’une portée profonde et libératrice.
Ces textes ont fourni un socle profond solide pour éclairer le sens de la méditation.
Le deuxième engagement de Thich Nhat Hanh, qui ne cesse de me nourrir, est son souci de rendre à la méditation sa profondeur. Aujourd’hui qu’elle tend à être restreinte à une technique de gestion du stress, un outil pour rechercher une sorte de confort niais, d’apaisement inconséquent, Thich Nhat Hanh montre toute la dimension d’amour, de pardon, et de chaleur que développe la pratique. Et c’est essentiel. Méditer, ce n’est pas une technique, mais une manière de retrouver la profondeur même de notre propre humanité.
Depuis quelques années, je me suis engagé à faire mieux connaître le travail de Thich Nhat Hanh, et suis devenu son éditeur aussi bien chez Belfond que chez Pocket où je peux travailler à rendre disponibles ses textes les plus anciens. En ce printemps, je me suis attaché à faire connaître les ouvrages pour enfants écrits par Thich Nhat Hanh. Le maître vietnamien a su trouver des mots particulièrement justes et émouvants pour permettre aux enfants d’entrer dans la méditation et de mieux comprendre leur existence.
Il ne restreint pas la pratique à une manière de calmer les enfants — ce qui est une idée beaucoup trop unilatérale. Comme le précise Thich Nhat Hanh, méditer c’est aussi trouver de la confiance, de la solidité, de l’amour, de la joie…
Est aussi paru un ouvrage majeur pour transmettre la méditation aux enfants : Un prof heureux peut changer le monde (Belfond).
Fabrice Midal Ecole Occidentale de Méditation