A l'occasion de la sortie de mon livre, j'ai eu l'occasion de répondre à de nombreuses questions. En voici 6.
1. Pourquoi écrire maintenant un livre sur la méditation ?
Parce qu’il était temps d’offrir un véritable guide pratique permettant à chacun de comprendre le sens de la méditation et de pouvoir s’y adonner. Voilà deux axes qu’il faut toujours joindre ensemble.
Il ne s’agit pas seulement d’apprendre une technique, mais il importe aussi d’avoir une vision claire de ce que signifie méditer. De même, il ne faut pas avoir simplement une perspective du sens de la pratique, il faut avoir une véritable connaissance de la manière de la mettre en oeuvre et de faire face aux diverses difficultés que l’on peut rencontrer. En un sens, toute personne qui fait la pratique doit devenir son propre instructeur. Elle doit pouvoir se guider elle-même. J’ai écris ce livre pour répondre à ce double impératif.
Je crois qu’ainsi il permettra d’éclairer tout ceux qui n’ont aucune idée de ce qu’est la méditation. Or de façon normal, ceux qui n’ont encore jamais pratiquer n’ont généralement pas la moindre idée de ce qu’elle est. C’est même très frappant : les idées qu’ils ont alors sur la pratique sont fausses et ne peuvent donc que les égarer. L’aspect méthodique devrait les éclairer.
J’ai aussi voulu répondre à la demande de nombre de personnes qui ont essayé de pratiquer, mais qui n'ont pas accès à un enseignant, et qui sont perdus dans leur pratique ou leur essai de pratique. Ce livre va répondre de façon concrète à leurs questionnements.
J’ai enfin voulu que ce livre aide ceux qui pratiquent depuis des années. Il leur donnera une sorte de carte routière leur permettant de mieux comprendre ce qu’ils vivent et comment continuer leur chemin.
2. Comment ce livre se situe face à vos autres livres ?
Dans mes ouvrages précédents, j’ai cherché à montrer comment faire que son existence ne soit pas une fuite en avant, une course ou une succession d’événements mais une véritable voie. C’est par exemple en ce sens que j’ai écrit Risquer la liberté puis Et si de l’amour on ne savait rien ? (repris désormais en poche sous le titre L’amour à découvert).
Or, ce que j’ai voulu faire ici est quelque chose de beaucoup plus simple et en un sens plus fondamental : écrire un guide qui prenne vraiment le lecteur par la main et lui donne toutes les indications nécessaires pour qu’il puisse méditer à son tour. C’est vraiment la base de toute voie. Comment pratiquer la méditation ? Quel est son sens réel ? Comment la méditation nous permet- elle de découvrir un sens de confiance ? Quelles sont les idées fausses à son propos ?
3. Les méditations guidées présente sur le CD diffèrent-elles de celles présentées sur le coffret ?
Oui, absolument. Le coffret présente une traversée du chemin de la pratique de la base de la posture jusqu’à la découverte de l’attention et de la présence et jusqu’aux pratiques liées à la bienveillance aimante.
Le Cd de ce livre se veut une présentation pédagogique du socle de la pratique. J’ai pensé qu’il fallait donner une base solide à toute personne qui veut s’engager dans la pratique — quitte à aller dans un deuxième temps chercher des enseignements qui lui permette d’aller plus avant, par exemple en écoutant le coffret ou en allant faire un séminaire.
Quel est le socle ? C’est la découverte de l’attention que beaucoup d’auteurs nomment à présent « pleine conscience ». Qu’est-ce que cela veut dire « faire attention » ? Comment fait-on ? Qu’est-ce que cela change ?
En réalité, quand l’on commence à se pencher sur cette question, on découvre qu’il y a là un continent à explorer. Un continent qui remet en cause nombre de nos idées reçues sur la manière dont il faut vivre, prendre une décision et ce pour tous les aspects de la vie quotidienne. Je dois reconnaître qu’après des années de pratique, je ne cesse de découvrir d’autres aspects de l’attention et comment bien comprise elle peut nous permettre de nous apaiser et de nous libérer.
4. Même si ce livre est très pratique, fort de votre expérience, vous y continuez votre travail de dénonciation de la marchandisation de la pratique et soulignez les diverses manières d’en nier la profondeur ?
Vous savez, rien n’est plus difficile que de toucher la simplicité. Il m’a fallu en un sens vingt-cinq ans pour écrire ce livre — qui est en effet un guide pratique, mais qui repose sur les fondations établies par tous mes précédents livres. Sans ce travail préalable, je n’aurais pas pu écrire ce livre.
Le fait d’être philosophe est une aide précieuse car cela implique de voir le visage de Janus propre à notre temps. Janus était le dieu romain des portes — doté d’une double face, il est la figure mythique de l’ambivalence. Or notre temps a un visage sombre et un visage lumineux, un visage de l’effroi et un visage indemne, il recèle un péril et contient la possibilité d’une salut. Et le regard sur l’actualité ne permet en rien de voir ce double visage qui ne se montre en aucun cas par la seule analyse de cette actualité. Ce sont des philosophes comme Nietzsche, Husserl, Bergson ou Heidegger qui nous éclairent sur la vérité de notre temps, sur ce qui en lui se refuse et ce qui en lui s’ouvre.
C’est fort de ce travail, que je peux mieux percevoir que certaines approches qui viennent souvent des meilleures intentions voilent le sens profond de la méditation et empêche très décisivement qu’elle soit comprise.
Il importe que la méditation réponde à un besoin réel de l’Occident et nous aide à répondre à son appel salutaire.
En un sens, je crois que ce livre reflète la situation d’un occidental lambda qui découvre la méditation, pratique et se forme auprès des grands maîtres de la tradition tibétaine et qui année après année est confronté aux difficultés que pose la manière de la mettre en ?uvre dans notre monde, avec ses singularités.
5.Vous insistez toujours sur le fait que la méditation n’a aucun but et ne sert à rien, pourquoi ?
Il faut ici distinguer le fait d’avoir une aspiration et le fait d’avoir un but. Avoir l’aspiration de changer, de faire la paix avec soi et les autres, de chercher à développer une plus grande bienveillance n’a rien à voir avec le fait d’avoir un projet que l’on veut réaliser coûte que coûte. Il est bon d’avoir l’aspiration la plus haute et la plus ambitieuse. Mais avoir un projet, rétrécit notre champ de vision. C’est comme prendre une autoroute, nous ne cherchons à visiter le pays que nous traversons mais à arriver à notre but.
Cela peut être juste dans certaine situation, mais la méditation n’est pas une autoroute.
Le comprendre a des conséquences très importantes. Si vous chercher un résultat, alors vous allez considérer que ce qui l’empêche est un obstacle. Vous allez vous en vouloir de ne pas y arriver. D’être perdu, d’avoir des difficultés, de rencontrer des obstacles va vous gêner.
Insister sur l’approche que je ne cesse de défendre permet au contraire de se détendre profondément. Nous avons alors le « droit » d’être comme nous sommes. Nous ne devons rien réussir. Inutile de chercher à « calmer » son esprit, à atteindre un état particulier. Nous entrons en rapport à la réalité telle qu’elle est. C’est en réalité beaucoup plus simple et concret.
Alors oui, dans ce livre, je montre, par exemple, que trop insister sur les bénéfices de la méditation loin d’aider les gens risquent de les enfermer. Car ils vont chercher à ce que la méditation marche comme tout dans notre société doit marcher avec efficacité et rapidité. Or la méditation doit au contraire nous délivrer de la tyrannie de l’utilité.
6. Vous ne vous limitez pas à faire une présentation de la pratique de la méditation mais vous chercher à ce qu’elle dessine un chemin ?
Vous savez, c’est ce que chercha toute sa vie Chögyam Trungpa, qui a enseigné la méditation nombre d'années à des occidentaux. Il inventa de nouvelles manières de présenter la pratique de la méditation, de montrer comment l’incorporer dans sa vie. Mais a chaque fois, il s’interrogeait sur la manière dont était présent à partir de là, un chemin concret. J’ai tant appris de son exemple.
C’est là, là clef. Comment la pratique n’est pas seulement une technique, mais ce qui ouvre une voie, ce qui fait que son existence devienne une aventure. Elle n’est pas nécessairement de tout repos, mais il devient réellement intéressant de se confronter à ses diverses qualités.
Fabrice Midal Ecole Occidentale de Méditation