J'ai donné quelques conférences pour présenter mon dernier livre, Foutez-vous la paix. J'ai été marqué par les très belles questions que l'on m'a souvent posées. J'ai envie de partager avec vous ces quatre-là :
Foutez-vous la paix, n'est-ce pas une autre manière de parler du lâcher-prise ?
Oh que non ! Moi, dès que l'on me parle de lâcher prise, je me crispe. Il faudrait donc que je ne sois jamais en colère, ni triste ni furieux ? Non seulement je n'y arrive pas, en plus, je me sens coupable de ne pas y arriver. Et je me crispe encore plus.
Foutez-vous la paix n'a rien à voir avec cette perspective. Si vous êtes en colère, foutez-vous la paix : acceptez que là, maintenant, vous êtes en colère. Entrez en rapport à ce que vous vivez, avec ce qui est. Inutile de vous justifier, de vous condamner, de vous juger… Vous verrez, cela change tout !
Quand je traverse des difficultés, que je suis submergé par une émotion, je prends un moment pour simplement me foutre la paix. Je dis simplement « bonjour » à ce que je vis.
Mais plutôt que de me foutre la paix, est-ce que ce ne sont pas plutôt les autres qui devraient me foutre la paix ?
À première vue, les deux phrases ne semblent pas très différentes. Mais vouloir que les autres vous foutent la paix est un geste agressif : une manière de refuser la communication et la relation.
Se dire « là, maintenant, je me fous la paix », c'est, au contraire, se tendre la main. Un geste de pure bienveillance. J'accepte de me relier à ce qui est là.
Pourquoi insistez-vous autant sur le sens du burn-out ?
Tout simplement parce que nous assistons à une augmentation préoccupante du nombre de victimes de burn-out et nous n'arrivons pas à comprendre ce qui se passe. En réalité, le burn-out participe d'un phénomène plus large de nouvelles maladies comme le syndrome de déficit d'attention, l'hyperactivité, les problèmes liés au sommeil…
Il y a un siècle, les Occidentaux étaient en prise avec ce que Freud a analysé comme le refoulement. Nous étions soumis à des interdits écrasants. Aujourd'hui, nous sommes confrontés à la nécessité de devoir toujours faire plus, faire mieux. Nous ne sommes pas victimes d'interdits, mais de l'impossibilité de faire assez — assez vite, assez bien. J'ai écris Foutez-vous la paix pour répondre à cette « nouvelle économie psychique » qu'il nous reste à déchiffrer.
Il faut comprendre que les gens qui font des burn-out sont généralement des gens créatifs, motivés, qui veulent juste trop bien faire.
Les racines de ce problème doivent être analysées. Nous croyons que seuls le contrôle, la pression, nous feront avancer pour atteindre nos objectifs. C'est complètement faux et délétère ! Une telle vision repose sur la panique, non sur l'intelligence. Si je suis à bout, si mes collaborateurs le sont aussi, j'en déduis que c'est le signe qu'on a fait le maximum.
Se foutre la paix, n'est-ce pas un acte égocentrique ?
Oui bien sûr ! Mais qu'est-ce qui fait que nous croyons qu'un tel acte serait une faute ? Il faut être bien loin de la réalité concrète, vivre dans sa bulle, pour ne pas se rendre compte qu'il est urgent de faire un acte égoïste. Faut-il vraiment se tuer à la tâche ? Non. Foutez-vous la paix, retrouvez-vous. Laissez tomber ces injonctions qui vous empêchent d'être simplement en rapport à la réalité telle qu'elle est.
Vous allez découvrir qu'ainsi vous êtes beaucoup plus disponible pour les autres. Vous saurez les écouter. Comment écouter qui que ce soit si on n'a pas commencé par se foutre la paix ?
En réalité, cette question — n'est-ce pas égocentrique ? — est un alibi qui ne vise qu'à perpétuer cet écrasement de l'individu qui ronge nos sociétés.
Il est vraiment urgent de remettre au cœur de tous nos engagements la personne que nous sommes, la personne réelle et concrète —, non cette fiction d'un être idéal et abstrait.
Fabrice Midal Ecole Occidentale de Méditation