À l'issue d'une conférence, j'ai longuement parlé avec une personne qui traversait de profondes difficultés. Elle me demandait : « Comment aller mieux ? »
Il n'y a pas de réponses générales à cette question. Chacun a à trouver le chemin qui lui est propre. Mais comme le sujet était « foutez-vous la paix », notre entretien m'a conduit à mettre à jour ceci : au fond, lorsqu'on a des difficultés, des soucis, du chagrin, il faut ne rien faire. Juste ne rien faire. Mais c'est là toute la difficulté : ne rien faire ce n'est pas se détourner de ce qui fait mal, rester dans une sorte d'ignorance. C'est laisser être pleinement la vie en soi.
C'est comme la digestion. Je ne fais rien et pourtant il se passe quelque chose. Pour nombre de difficultés, il faut digérer nos difficultés, nos chagrins… Ni les rejeter ni s'y noyer.
Mais à la différence de la digestion, digérer ses angoisses, ses blessures demande un type d'attention beaucoup plus subtil et profond. Une disponibilité entière.
Nous devons laisser quelque chose se faire.
Or nous avons perdu toute patience. Nous voulons des solutions. Et c'est ce geste, d'une rare brutalité, trouver une solution, qui nous fait manquer la paix qui pourrait venir à nous pour autant que nous nous confiions à ce qui fait pour nous problème.
Combien de gens ont fait des thérapies, sont incollables sur la gestion du stress, maîtrisent de nombreuses méthodes pour se détendre, mais ne se sentent toujours pas bien. Au fond, ils veulent être un père parfait, une mère parfaite, une femme parfaite. Tout cela ne fait en réalité que les étouffer. Ils s'éloignent même par là du lieu de la paix authentique.
Se foutre la paix est un geste beaucoup plus radical que je ne l'avais entrevu quand j'ai achevé l'écriture du livre. Ce geste est certes tout simple. Immédiatement compréhensible. Mais en réalité, il touche à la structure même de nos croyances.
Tel est l'un des axes de l'enseignement que je prépare pour cet été. Comment se libérer pour de bon de ce qui nous étouffe. Nous cherchons partout des solutions à nos difficultés. Cette recherche ne fait que nous éloigner toujours plus douloureusement du véritable bonheur.
Or il existe un tout autre continent : celui que tant d'artistes, de thérapeutes, de philosophes nous invitent à considérer. Un continent absolument méconnu et pourtant qui pourrait tant nous aider. Ce continent tient à une forme d'écoute, de mise en correspondance avec la situation.
Et parce que cette approche est en rapport avec la vérité de notre existence, c'est en l'adoptant que nous pouvons trouver de véritables réponses à nos difficultés – aussi bien personnelles que collectives. Non en continuant à chercher à forcer la réalité, à vouloir la gérer, la contrôler…
C'est pour présenter la radicalité de cette vision que je prépare un séminaire sur ce thème cet été. Après le livre et les conférences, ce sera pour moi le dernier acte de ce long travail. Quelle est cette tout autre approche ? Pourquoi implique-t-elle de tout repenser – ce que nous sommes, le rapport aux autres, le sens de l'écoute, de l'engagement, de ce qu'il faut ou non faire ?
Dans ce séminaire, je voudrais non seulement montrer la radicalité de cet engagement, mais je voudrais aussi transmettre comment au quotidien nous pouvons nous foutre la paix.
Autrement dit, « foutez-vous la paix » d'une part éclaire le sens de notre existence d'une manière neuve. D'autre part, rend à la pratique de la méditation toute son efficacité. La méditation se révèle ainsi n'être pas un exercice volontariste pour atteindre un état quelconque, une technique pour écarter peu à peu de soi ses pensées ou en devenir le spectateur, mais un geste d'écoute et de confiance dans la vie.
Des chemins nouveaux se dessinent enfin. Comment se foutre la paix en allant au travail, avant une réunion stressante, en mangeant son sandwich, avec des amis, quand on est triste, quand on est joyeux… Comment vivre tout autrement son existence.
Fabrice Midal Ecole Occidentale de Méditation