Peut-on
être le propriétaire d'une idée ? Ou bien, ne faut-il pas dire, avec Descartes,
qu'une idée nous appartient dès lors que nous la comprenons ?
La question de la propriété
intellectuelle fait débat dans le monde entier. Pour la musique, les
livres, les inventions, mais aussi pour les traditions et les patrimoines
spirituels. Jusqu'à quel point a-t-on le droit de se les approprier, des les
manipuler ?
La plupart des spiritualités contemporaines ignorent les traditions, ou bien
les colportent sans le reconnaître, ou bien les instrumentalisent à leur
profit.
Ainsi, les évangélistes, islamistes et autres producteurs de consommation
ignorent toute référence sérieuse aux traditions dans lesquelles ils
s'enracinent pourtant.
En ce qui concerne le tantrisme, ses adeptes contemporains tantrisent en
ignorant tout ou presque du tantrisme. Ou bien, ils manipulent les choses pour
adapter le produit à leur clientèle. Même des gens cultivés succombent à cette
tentation... Voyez le cas de Daniel Odier.
Quant aux défenseurs de la Tradition, ils se réfèrent le plus souvent à des
études ou des traductions datant du siècle dernier, fondant leurs
interprétations sur des connaissances de seconde main.
J'ai découvert, il y a déjà quelques mois, cette femme et son
organisation. Belle présence. Mais surtout, ses paroles me touchaient,
éveillaient en moi des échos profonds. Puis j'ai fait le lien avec un texte du
grand sage du dzogchen, Longchenpa. Ce texte absolument extraordinaire, unique
dans le domaine de la non dualité, a
été traduit plusieurs fois en anglais, et une fois, partiellement, en
français. Malheureusement, il n'a pas la renommée qu'il mérite.
Le livre de Candice O'Denver
Et sa source inavouée :
Tout cela est en anglais, mais José Leroy en
a traduit un passage sur son blogue. Le premier chapitre du livre de
O'Denver est consultable en traduction française sur son site.
Cette femme, donc, Candice O'Denver, qui pompe littéralement des pages et des
pages d'une belle traduction américaine de ce livre de Longchenpa, ne mentionne
pas une seule fois sa source, ne reconnaît jamais sa dette. Bien au contraire,
Mme O'Denver ne parle que d'elle-même, de sa recherche personnelle et de son
illumination "spontanée". Escamotage total. Cela m'a frappé d'autant
plus que j'ai du lire la traduction américaine du livre de Longchenpa une bonne
douzaine de fois. C'est un véritable chef-d'œuvre, peut-être même LE
chef-d'œuvre du genre.
Voici un aperçu de la
dame dans son œuvre de plagiat, version orale. C'est d'autant plus
regrettable que le résultat est remarquable de simplicité et de clarté.
Longchenpa est un sage merveilleux. Les Tibétains qui se réclament de sa
tradition ne parlent guère de ce texte. Une "libération" de Longchenpa
est donc bienvenue. Je ne suis pas traditionaliste. Mais pourquoi O'Denver
cache-t-elle sa source ?
Son organisation connaît un succès international. Comment l'expliquer ?
Pourquoi tout le monde se fiche de savoir quelles sont les sources de ses beaux
discours ?
Il y a, d'une part, la puissance des paroles elles-mêmes, une magie qui ravi
l'esprit et qui, du même coup, l'anesthésie quelque peu. Ensuite, l'esprit
critique est certes important dans une démocratie, mais est une menace dans
toute société de consommation. D'ailleurs, vous remarquerez que, dans tous ces
groupes non dualistes qui manipulent ou escamotent leur sources, les propos
anti-intellectuels abondent, afin de neutraliser d'avance toute critique. Ou
quand le "non mental" sert d'alibi à l'abrutissement...
Pour ma part, je ne suis pas sûre qu'il existe un "droit de propriété
intellectuelle". C'est pourquoi les nombreuses traductions que je met
gratuitement à disposition sur mon site ne sont guère protégées. Cependant, il
me semble intéressant de se poser un minimum de questions quant aux sources et
aux revendications des enseignants spirituels, non dualistes ou autres. En
général, ils mentent plus ou moins, volontairement, par omission ou par
ignorance.
Davis Dubois