"Quand le disciple est prêt, le maître arrive", entend t-on. Il faudrait plutôt dire : "Quand le disciple veut un maître, il prend le premier venu".
De même, en effet, que l'appétit rend l'objet appétissant, plutôt que l'inverse, de même, le désir-de-maître crée le maître. Nous prenons nos désirs pour des maîtres. Et de même, bien entendu, pour le vrai, le bon, le beau et tutti quanti.
Joy Vriens m'a fait découvrir un trésor : La Grande beuverie de Daumal. Je commence la lecture de suite. Cela me rappelle The Guide, le film indien basé sur le roman de R. K. Narayan. C'est l'histoire d'un gars qui sort de prison et qui, accidentellement, devient le gourou de paysans en quête d'une pluie salvatrice. Porté (ou écrasé ?) par la dévotion de la foule, il meurt dans l'extase. Tragi-comique.
Parmi d'autres, il y a, dans la même veine, le Pendule de Foucault de l’irremplaçable Umberto Eco. Et aussi cette anecdote du Sacré Père Bouddha (Phadampa Sangyé) aux prises avec une dévote de nonne, alors qu'il est quasi sur son lit de mort. Après avoir tenté de la consoler, en vain, il lui dit, excédé :
"Regardes, regardes donc ton propre esprit qui n'est pas une chose ! Alors, un gourou qui n'est certes pas moi, mais qui est mon alter ego, surgira de l'intérieur. Vas-le voir, vas-y !"
Sur ce, il retourna se coucher.
David Dubois La Vache Cosmique