Le zen est souvent présenté en Occident comme une voie "en dehors des textes". Les maîtres zen apparaissent comme des excentriques anti-intellectuels. Pourtant, ce point de vue largement propagé par les japonais de l'école Soto ne reflète qu'une partie de l'héritage du zen. Il y a eu des maîtres zen érudits. Ainsi Guifeng Zongmi, auteur de vastes commentaires sur les soutras comme l'Avata?saka ou l'Eveil parfait. Son amour des lettres ne l'a pas empêché de pratiquer l'assise zen jusqu'à la fin de ses jours. Les reflets ne cachent pas la transparence du miroir. La transparence du miroir n'efface pas les reflets. Pour l'avoir compris, Zongmi est marginalisé.
Il n'est pas le seul cas. Advayavajra fût un maître érudit et un grand yogin. Marginalisé aussi.
Abhinavagupta développa de conserve une recherche intellectuellement très exigeante avec une pratique mystique des plus profondes. Célèbre, sans doute. Mais qui le lit ?
Longchenpa fût un "docteur abyssal" et un yogin du simple laisser-être. Son dzogchen reste largement ignoré. Simplicité absolue de la contemplation. Richesse inépuisable de la composition. Non pas Docteur Jekyll et Mister Hyde, mais vacuité et forme, forme qui n'est autre que la vacuité. Plus la compréhension de la vacuité de la forme est profonde, plus la forme s'épanche à profusion. "Vérité de surface pure" (shuddha-samvriti, dixit Maitripa).
Et Maître Eckhart. Et Ibn Arabî.
La tentation de jeter tout ce qui fait plus de deux lignes à la poubelle est grande dans la spiritualité contemporaine, obnubilée par l'esprit du "plug-and-play". Que cela est fort dommage !
PS : Le Soutra de l'Eveil parfait est accessible en français, dans cette excellente collection.
Pièce de guqin, instrument par excellence des lettrés de la Chine du Chan :
David Dubois La vache cosmique