La brève explication de la Doctrine (Laghuv?kyav?tti) est un petit texte (18 stances) attribué à ?a?kara. Mais ce titre et cet auteur sont sans doute des ajouts postérieurs à sa rédaction. Le contenu s'apparente au Traité pour la délivrance (Mok?op?ya, noyau du Yogav?si??ha), composé au Cachemire vers 950, peut-être par Narasi?ha (le père d'Abhinavagupta ?), ministre du roi Ya?askara, soit vers la même époque que V?mana alias V?ran?tha. La notion d'intervalle (madhya, antar?la) est importante dans les non dualismes cachemiriens, alors qu'elle est absente de l'œuvre de ?a?kara. Son origine est sans doute à chercher du côté bouddhiste, peut-être du Yog?c?ra ?
Grossier, le corps est fait de chair.
Subtil, il est fait de désirs (v?san?).
Ce dernier est également doué de pensée et de sensation (pr??a),
Ainsi que des organes de connaissance et d'action. 1
L'ignorance (ou l'absence de connaissance, a-jñ?na) est la cause.
La conscience est le Témoin.
Elle est ce qui manifeste (le corps dans ses dimensions subtiles et grossières).
Une apparence de la conscience est présente dans l'intellect,
Qui est (ainsi) l'agent des vertus et des péchés. 2
C'est lui qui transmigre sous l'effet des conséquences des actes (karma),
Sans trouver de repos dans les deux mondes (de l'ici-bas et de l'au-delà).
On doit distinguer (vivicyate) la pure conscience (de l'intellect, etc.)
Par un effort décisif (atyanta-). 3
Veille et rêve ne sont que
La caricature d'une illusion de conscience.
En revanche, quand ces deux états sont dissous
Dans l'état de sommeil profond,
Alors la conscience en sa pureté illumine l'inconscience (du sommeil profond). 4
Même dans l'état de veille,
Le silence de la pensée est
Une manifestation (de la conscience) en sa pureté.
Quant à l'activité mentale,
Elle est aussi mise en lumière par la conscience,
Imbibée de la lumière de la conscience. 5
De même que de l'eau échauffée par un feu
Est capable de chauffer le corps,
De même l'intellect illuminé par la conscience
Et infusé de sa lumière
Se montre capable d'illuminer les choses. 6
Les notions dualistes que sont les qualités et les défauts
(Projetées) sur les formes et autres (phénomènes)
Sont des créations mentales.
L'acte de conscience (citi)
Est ce qui illumine ces créations
En même temps que leurs objets. 7
L'acte de conscience absolu
Est distinct des formes,
Des qualités et des défauts.
Il anime les notions dualistes (projetées) sur les formes, les saveurs, etc. 8
Les notions dualistes (forgées) par l'entendement
Changent d'instant en instant.
Mais l'acte de conscience est présent dans ces constructions mentales
Comme le fil dans (un collier de) perles. 9
De même que le fil couvert de perles
Est aperçu entre (madhya) deux perles,
De même la conscience recouverte par les notions dualistes
Brille clairement entre deux constructions mentales. 10
Quand une pensée a cessé
La conscience sans pensées
Brille clairement
Tant qu'une autre pensée n'apparaît pas. 11
Ceux qui aspirent à l'expérience de l'absolu
Doivent s'exercer avec zèle
A l'arrêt d'une pensée
En progressant ainsi :
D'abord un instant, puis deux, puis trois. 12
Celui qui (pratique ainsi)
Est un individu quand il a des pensées.
Quand il est sans pensées, il est l'absolu.
C'est (aussi) cela qui est indiqué par la doctrine du
"Je suis l'absolu". 13
Cette conscience (recouverte) par les pensées,
C'est moi, l'unique absolu,
Sans pensées, évident.
Les pensées doivent être arrêtées par l'effort. 14
Si l'on peut arrêter toutes les pensées,
Alors c'est la parfaite contemplation (sam?dhi)
Si chère à ceux qui savent !
Si l'on en est incapable,
Alors on doit arrêter une pensée le temps d'un instant,
Confiant dans le fait que notre vraie nature est l'absolu. 15
L'être imprégné de (cette) confiance
Doit examiner sa vraie nature qui est l'absolu
A travers les activités mentales.
En effet, ayant d'abord perçu (notre vraie nature)
Conformément à la doctrine (selon laquelle notre vraie nature est l'absolu)
Nous devons nous exercer constamment, selon nos capacités. 16
Les sages savent que la pratique de l'absolu
Consiste à l'examiner, à en parler,
A s'y éveiller les uns par les autres,
Et à en faire son unique nécessaire. 17
Celui qui est aussi ferme
Dans sa contemplation de l'absolu
Que (l'homme ordinaire) l'est dans l'idée qu'il est son corps,
Celui-là a fait ce qu'il y a avait à faire,
Il est assurément délivré.
Peu importe alors où et comment il meurt. 18