Mon état intérieur était toujours plus ferme et immobile, et mon esprit si net qu'il n'y entrait ni distraction ni pensée que celle qu'il plaisait à Notre-Seigneur d'y mettre ; mon oraison toujours la même, non une oraison qui soit en moi mais en Dieu, si simple, si pure et si nette. C'est un état et non une oraison, dont je ne peux rien dire à cause de sa grande pureté. Je ne crois pas qu'il se puisse rien au monde de si simple et de plus un. C'est un état dont on ne peut rien dire, parce qu'il passe toute expression : état où la créature est si fort perdue et abîmée que, quoiqu'elle soit libre au dehors, elle n'a plus pour le dedans chose au monde. Aussi son bonheur est inaltérable. Tout est Dieu, et l'âme n'aperçoit plus que Dieu. Elle n'a plus de perfection à prétendre, plus de tendance, plus d'entre-deux, plus d'union : tout est consommé dans l'unité, mais d'une manière si libre, si aisée, si naturelle, que l'âme vit en Dieu et de Dieu, aussi aisément que le corps vit de l'air qu'il respire. Cet état n'est connu que de Dieu seul, car l'extérieur de ces âmes est très commun, et ces mêmes âmes qui font les délices de Dieu et l'objet de ses complaisances, sont souvent le but du mépris des créatures.
Madame Guyon, La Vie par elle-même, éd. Dominique Tronc, Honoré Champion, p. 568.
David Dubois La Vache Cosmique