"La dualité n'est pas absolument absente de la non dualité, car il est dit qu'il y a une manifestation de la dualité dans le Seigneur, alors même qu'il est sans dualité. Cette manifestation est nommée "captivité dans le cycle de la transmigration", désignée encore par les mots "magie", "ignorance", etc. On appelle "transmigrant" ceux qui y sont enfermés. Parce qu'ils sont obsédés et angoissés par cette (prison), ils croient fermement au pur et à l'impur.
Quant à ce traité, il enseigne le yoga du Seigneur. Le yoga du Seigneur est la non dualité sans couples d'opposés (comme le pur et l'impur, etc.). Son enseignement doit être dispensé ainsi : tant que l'on suppose que le (réel) est affecté de dualité, on la réfute encore et encore (, mais on n'enseigne pas la non dualité directement), car il n'y a pas de pratique pour entrer et rester dans la non dualité qui est le Seigneur Bhairava, puisque ("entrer" et "rester") ne sont rien d'autre que des créations de la dualité. Par conséquent, tout l'effort déployé à la fois par les maîtres et par les disciples sert à éradiquer l'angoisse engendrée par toute la dualité qu'ils imaginent."
Abhinavagupta, Libres commentaires sur le Tantra de la Déesse-Parole (Mâlinîvijayavârttika), 108-113b.