J'ai reçu cette lettre de mon amie Canadienne, Danièle Laberge, Herboriste traditionnelle, qui a passé sa vie à cultiver des plantes médicinales dans le pays le plus conscient des médecines naturelles telles que la phytothérapie.
Pour la première fois en trente ans, il n’y aura pas de
serre remplie à craquer d’herbes et de fleurs en devenir, pas de merveilleux
jardins à perte de vue, pas de production de plantes médicinales, pas de
transformation en nos excellents produits de santé. C’est avec beaucoup de
peine et le cœur très gros que j’ai dû finalement arriver à cette conclusion,
forcée de le faire par la conjecture actuelle. Ma chère Armoire aux Herbes
écoulera cette année les produits qui nous restent, bons au moins jusqu’en
2012, puis, elle devra fermer ses portes. Il est impensable d’engager les frais
encourus par une autre saison agricole, tous ces salaires des jardiniers et transformateurs
animés par l’esprit le plus pur de la tradition herbale, alors qu’il devient
rapidement impossible d’offrir nos produits d’herboristerie aux clients qui les
aiment et les réclament dans les magasins de produits naturels. Nous vivons
depuis dix ans sous les menaces, dans un climat d’insécurité et dans la
nécessité de tout justifier aux yeux de personnes qui ne connaissent rien de
notre réalité. Nous décidons de retirer de sur nos têtes cette épée de Damoclès
qui a miné nos énergies et brisé nos cœurs. Nous choisissons la paix et la
liberté et la conséquence de choix, c’est le retrait stratégique et volontaire.
Après des efforts notoires de démarches auprès de Santé Canada pour faire
approuver nos produits afin de tenter d’obtenir les sacro-saints Numéros de
Produits Naturels (NPN) imposés, nous avons dû reculer et nous rendre à
l’évidence que nos produits tels qu’ils sont, ne passeraient jamais cette
épreuve pharmaceutisante. Nous n’allons pas nous mettre à faire des teintures
dans l’alcool pour satisfaire des exigences extérieures.
Nous n’avons jamais crû en ce processus de « triage » du
gouvernement, il faut bien le dire. Une des plus grandes faiblesses de la
réglementation des produits de santé naturels vient du fait que les critères
d’évaluation et les normes de preuves exigées pour homologuer les produits ont
été établis par Santé Canada sans aucune distinction qu’il s’agisse de produits
manufacturés par de grandes multinationales ou par des petites et moyennes
herboristeries artisanales dont le rôle a toujours été d’offrir un large
compendium pour bien servir. Nous avons pressenti dès 2004 que nous (les
petites herboristeries traditionnelles) serions les laissés-pour-compte dans
cette histoire. Nous savons que nos produits sont efficaces, que leur innocuité
est réelle et que si nos clients y sont demeurés fidèles depuis des décennies,
c’est parce qu’ils fonctionnent. Nous ne devrions pas avoir à réparer ce qui
n’est pas cassé, à changer ce qui réussit. Nous ne devrions pas avoir à réviser
nos formules qui ont fait leurs preuves pour qu’elles soient copies conformes
des formules de quelques herboristes du passé ayant été sélectionnés pour faire
office d’experts, à changer nos concentrations qui sont parfaitement
appropriées, à faire tester chaque année pour des résidus de produits
chimiques, nos produits d’herboristerie qui proviennent uniquement de notre
terre, celle-ci étant éloignée de toute culture polluante et certifiée
biologique et biodynamique depuis l’avènement au Québec de telles certifications.
Nous avons de la peine pour les thérapeutes habitués à soulager la souffrance
humaine grâce à nos produits et à ceux de nombreuses autres petites
herboristeries. Nous avons de la peine pour les herboristes de demain qui
n’auront pas la chance de vivre cet extraordinaire périple qui nous a animés
pendant trois décennies. Nous avons de la peine pour les gens qui se verront
brimés dans leur liberté de choisir et de juger par eux-mêmes ce qui leur
convient, en consommateurs avertis. Nous aurions préféré que l’attention de
Santé Canada se concentre sur tous ces dangereux produits de synthèse qui
rendent tellement de gens malades ou dépendants, grugeant leur santé déjà taxée
par les exigences de la vie actuelle, stressante à souhait.
Je me rends bien compte que la vision sociale actuelle et
celle que je porte ici ne vont pas dans la même direction. Je vois l’intuition
comme source de connaissance pour l’avenir. L’intuition et la pensée vivante
ainsi que l’évolution de tous nos sens vers la subtilité. La société voit de
plus en plus la science comme seule source de vérité, l’analyse laborantine
comme seule preuve acceptable de qualité ou d’innocuité et la consommation
comme la source du bonheur.
J’ai toujours vu L’Armoire aux Herbes comme un dispensaire, un vrai, au service
de l’humain qui ne peut pas se permettre de payer plus cher pour supporter des
laboratoires, des formulaires et des tonnes de papier à noircir. Je préfèrerai
toujours noircir la terre en lui ajoutant du bon compost que de noircir du papier."
Tout cela est bien triste, je souhaite bon vent à mon amie herboriste et je me
dis qu'il ne faut pas relâcher la pression sur nos décideurs qui sont dans une
démarche, toujours la même, celle du profit, ils ne peuvent comprendre que l'on
vende des produits dans une autre démarche.
Elle aurait certainement pu sauver son entreprise en investissant dans un
laboratoire, réduire la main d'œuvre jardinière en la remplaçant par des engins
mécanisés, en laissant tomber la biodynamique qui n'est pas un critère
nécessaire, en réduisant les salaires, achetant les graines au rabais, de
moindre qualité, augmentant les prix des produits en réduisant les quantités,
bluffant sur les emballages, s'adjoindre deux ou trois gratte-papiers style
juriste, marketing manager, relation publique manager, mise en conformité
gouvernementale, tout cela au détriment des produits et à un engrenage qui
n'est pas dans sa nature, elle si près de la nature.
Si vous désirez vous procurer les derniers produits de "l'Armoire aux
Herbes", faites vite. Ils seront disponibles encore un temps sur son site
web: armoireauxherbes.com
Adieu chère Danièle Laberge, Herboriste traditionnelle, nous te regretterons.