Dans les textes tantriques, shivaïtes comme bouddhistes, on lit souvent des critiques de "la philosophie", des intellectuels, de la raison impuissante à faire connaître ce qui "dépasse le mental".
Moines s'entraînant au débat à MacLeod Ganj (Dharamsala)Mais il y a là un malentendu lourd de conséquences.
La plupart du temps, c'est la scolastique qui est la cible de ces reproches, et non pas la philosophie telle que nous la concevons dans la tradition occidentale. La scolastique, c'est une pensée sclérosée dans une institution. Les questions, les réponses et les arguments possibles existent en nombre limité, comme, par exemple, dans les "débats" pratiqués dans l'école Guélouk du bouddhisme tibétain. Quand un Gendune Cheupèle se révoltait contre "les logiciens" des grandes universités monastiques de Lhassa, il pensait à ces joutes verbales spectaculaires où presque tout est décidé d'avance, et non à la pensée au sens d'une libre recherche au moyen de la raison. Il a d'ailleurs continué de rédiger des textes philosophiques, mais en dehors de ce cadre institutionnel qui finit par l'emprisonner à Lhassa.
Ne prenons donc pas les critiques du pouvoir intellectuel pour des critiques de l'intellect.